lundi 28 octobre 2013

Entretien/ Me Abdoulaye Méité, avocat : «Le secrétaire du Dogbo Blé devait être inculpé»

Entretien/ Me Abdoulaye Méité, avocat :

«Le secrétaire du Dogbo Blé devait être inculpé »  

Après l’instruction des prévenus à la barre,  Me Abdoulaye Méité, avocat au cabinet Béné Lambert, pense que la liste des accusés n’est pas exhaustive. Il en donne les raisons.  

Dès l’ouverture du procès relatif à l’assassinat du colonel-major Adama Dosso, les avocats de la défense ont relevé des exceptions au niveau de la procédure. Quel commentaire faites-vous ?

Les avocats sont dans leur rôle. La loi leur permet de soulever dès l’entame du procès, des exceptions concernant la procédure antérieure. Ils ont l’obligation de veiller à ce que les clients aient un procès équitable. Ils estiment que l’instruction conduite par un juge d’instruction civile, probablement à un ordre de poursuite délivrée par le ministre de la Défense, constitue une violation. Le tribunal a statué pour rejeter ces exceptions. Je n’ai pas la teneur de la décision du tribunal, mais c’est un problème de droit qui se pose.
Quel est le sort d’une instruction menée par un juge civil dans laquelle des militaires sont impliquées, surtout lorsque le juge inculpe les concernés et par la suite prend un déclinatoire pour se dessaisir du dossier au profit du juge d’instruction militaire ? Celui-ci peut-il s’agripper à l’instruction faite par le juge civil ou bien doit-il reprendre l’instruction ? Pour ma part, dès lors que le juge d’instruction civil avait constaté la présence de ces militaires, il lui appartenait de se dessaisir. Dans le cas d’espèce, le dossier a été renvoyé au tribunal militaire. Suite à l’ordre de poursuite délivré par le ministre de la Défense, le parquet a saisi le juge d’instruction militaire. Ce dernier  a estimé que l’instruction ne devait pas être reprise. 

Les avocats de la défense avaient-ils la possibilité de bloquer la procédure avant l’ouverture du procès ?

Les actes qui sont posés par la juridiction d’instruction sont sanctionnés par la chambre d’accusation. Dans le cas de la juridiction militaire, c’est la chambre de contrôle de l’instruction. Pour moi, ces questions touchant à la régularité de l’instruction devaient être soulevées devant la chambre de contrôle de l’instruction. Les avocats de la défense devaient en ce moment-là soulever les exceptions.

Y-a-t-il eu selon vous insuffisance d’éléments à charge ou à décharge ?

Il y a eu des appels téléphoniques. Et qu’on ne puisse faire une traçabilité de ses appels en cette ère des nouvelles technologies de l’information et de la communication est une insuffisance. Le juge d’instruction avait la possibilité d’adresser des réquisitions aux compagnies de téléphonie cellulaire pour répertorier le numéro téléphonique de Dogbo Blé. Cela pouvait permettre de savoir les communications qui ont été faites à un moment donné. Même quand on fait une instruction dans la précipitation, il n’est pas normal que le secrétaire du général Dogbo Blé (le sergent Kalou-Bi, ndlr) n’ait pas été inculpé. Il a été dit qu’il était-là au moment où ceux qui sont revenus de mission faisaient leur compte-rendu. Donc c’est un sachant. Mieux, la porte était entre-ouverte. Il a entendu des choses. Pourquoi  comparait-il en tant que témoin ? Il y a des zones d’ombre. Les témoins qui ont été appelés à la barre, c’est du fourre-tout. On avait besoin de témoins clé. Parce que je constate que c’est une affaire de clan. C’est malheureux. Aujourd’hui, je constate qu’il y a des gens qui sont solidaires du général Dogbo Blé et d’autres qui sont solidaires de Lagaud. Où se trouve donc la place du droit et de la vérité ? Le juge d’instruction aurait dû anticiper toutes ces questions par une enquête sérieuse pour avoir un procès équitable et une bonne décision. 
Selon vous, le juge d’instruction n’a pas été professionnel ?
Je ne dirai pas cela. L’instruction, si elle avait été minutieusement conduite, aurait donné assez d’éléments intéressants.  Cela aurait facilité la tâche au tribunal. Je respecte le juge d’instruction. C’est un magistrat qui travaille bien. Mais je ne sais pas dans quel environnement il a travaillé. Si effectivement, l’instruction devait être menée correctement, le secrétaire du général Dogbo Blé ne devait pas être témoin. Il devait être plutôt inculpé.
  
Est-ce que le parquet militaire a failli dans la conduite du dossier ?
Je ne sais pas comment le parquet militaire fonctionne. Mais je pose souvent des questions. Une enquête n’aime pas le bruit. Je pense que le parquet militaire fait un peu trop de boucan. Il fait trop de déclarations. C’est vrai qu’il faut informer l’opinion, mais sans que cela ne puisse gêner l’enquête qui est en cours. Quand la presse s’approprie un événement, on va inexorablement sur un terrain politique parce qu’on va préparer l’opinion à avoir ce sentiment. Chacun, selon son bord politique sera conditionné. Ce sont les reproches que je peux faire au parquet militaire. Je souhaite que les enquêtes de ce genre soient faites en toute sérénité. Et que les juges d’instruction désignés puissent travailler sereinement pour pouvoir réunir le maximum d’éléments à charge ou à décharge. 

Interview réalisée par Ouattara Moussa 





lég : Selon Me Méité des zones ombre subsistent dans le dossier.     

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