Entretien/
Me Abdoulaye Méité, avocat :
«Le secrétaire du Dogbo Blé devait
être inculpé »
Après l’instruction des prévenus à
la barre, Me Abdoulaye Méité,
avocat au cabinet Béné Lambert, pense que la liste des accusés n’est pas
exhaustive. Il en donne les raisons.
Dès l’ouverture du procès relatif à
l’assassinat du colonel-major Adama Dosso, les avocats de la défense ont relevé
des exceptions au niveau de la procédure. Quel commentaire faites-vous ?
Les avocats sont dans leur rôle. La loi leur permet de
soulever dès l’entame du procès, des exceptions concernant la procédure
antérieure. Ils ont l’obligation de veiller à ce que les clients aient un
procès équitable. Ils estiment que l’instruction conduite par un juge
d’instruction civile, probablement à un ordre de poursuite délivrée par le
ministre de la Défense, constitue une violation. Le tribunal a statué pour
rejeter ces exceptions. Je n’ai pas la teneur de la décision du tribunal, mais
c’est un problème de droit qui se pose.
Quel est le sort d’une instruction menée par un juge civil
dans laquelle des militaires sont impliquées, surtout lorsque le juge inculpe
les concernés et par la suite prend un déclinatoire pour se dessaisir du
dossier au profit du juge d’instruction militaire ? Celui-ci peut-il
s’agripper à l’instruction faite par le juge civil ou bien doit-il reprendre
l’instruction ? Pour ma part, dès lors que le juge d’instruction civil
avait constaté la présence de ces militaires, il lui appartenait de se
dessaisir. Dans le cas d’espèce, le dossier a été renvoyé au tribunal
militaire. Suite à l’ordre de poursuite délivré par le ministre de la Défense,
le parquet a saisi le juge d’instruction militaire. Ce dernier a estimé que l’instruction ne devait pas être
reprise.
Les avocats de la défense
avaient-ils la possibilité de bloquer la procédure avant l’ouverture du
procès ?
Les actes qui sont posés par la juridiction d’instruction
sont sanctionnés par la chambre d’accusation. Dans le cas de la juridiction
militaire, c’est la chambre de contrôle de l’instruction. Pour moi, ces
questions touchant à la régularité de l’instruction devaient être soulevées
devant la chambre de contrôle de l’instruction. Les avocats de la défense
devaient en ce moment-là soulever les exceptions.
Y-a-t-il eu selon vous insuffisance
d’éléments à charge ou à décharge ?
Il y a eu des appels téléphoniques. Et qu’on ne puisse
faire une traçabilité de ses appels en cette ère des nouvelles technologies de
l’information et de la communication est une insuffisance. Le juge
d’instruction avait la possibilité d’adresser des réquisitions aux compagnies
de téléphonie cellulaire pour répertorier le numéro téléphonique de Dogbo Blé.
Cela pouvait permettre de savoir les communications qui ont été faites à un
moment donné. Même quand on fait une instruction dans la précipitation, il
n’est pas normal que le secrétaire du général Dogbo Blé (le sergent Kalou-Bi,
ndlr) n’ait pas été inculpé. Il a été dit qu’il était-là au moment où ceux qui
sont revenus de mission faisaient leur compte-rendu. Donc c’est un sachant.
Mieux, la porte était entre-ouverte. Il a entendu des choses. Pourquoi comparait-il en tant que témoin ? Il y a
des zones d’ombre. Les témoins qui ont été appelés à la barre, c’est du
fourre-tout. On avait besoin de témoins clé. Parce que je constate que c’est
une affaire de clan. C’est malheureux. Aujourd’hui, je constate qu’il y a des
gens qui sont solidaires du général Dogbo Blé et d’autres qui sont solidaires
de Lagaud. Où se trouve donc la place du droit et de la vérité ? Le juge
d’instruction aurait dû anticiper toutes ces questions par une enquête sérieuse
pour avoir un procès équitable et une bonne décision.
Selon vous, le juge d’instruction
n’a pas été professionnel ?
Je ne dirai pas cela. L’instruction, si elle avait été
minutieusement conduite, aurait donné assez d’éléments intéressants. Cela aurait facilité la tâche au tribunal. Je
respecte le juge d’instruction. C’est un magistrat qui travaille bien. Mais je
ne sais pas dans quel environnement il a travaillé. Si effectivement,
l’instruction devait être menée correctement, le secrétaire du général Dogbo
Blé ne devait pas être témoin. Il devait être plutôt inculpé.
Est-ce que le parquet militaire a
failli dans la conduite du dossier ?
Je ne sais pas comment le parquet militaire fonctionne.
Mais je pose souvent des questions. Une enquête n’aime pas le bruit. Je pense que
le parquet militaire fait un peu trop de boucan. Il fait trop de déclarations.
C’est vrai qu’il faut informer l’opinion, mais sans que cela ne puisse gêner l’enquête
qui est en cours. Quand la presse s’approprie un événement, on va
inexorablement sur un terrain politique parce qu’on va préparer l’opinion à
avoir ce sentiment. Chacun, selon son bord politique sera conditionné. Ce sont
les reproches que je peux faire au parquet militaire. Je souhaite que les
enquêtes de ce genre soient faites en toute sérénité. Et que les juges
d’instruction désignés puissent travailler sereinement pour pouvoir réunir le
maximum d’éléments à charge ou à décharge.
Interview réalisée par Ouattara Moussa
lég : Selon Me Méité des zones
ombre subsistent dans le dossier.
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