Exploitants et chauffeurs divisés sur la
hausse du prix du sable à Abidjan
Chantiers et promotions
immobilières bloqués !
Les
exploitants des carrières de sable et les chauffeurs de camion se livrent une
guerre épique pour le contrôle du prix du chargement. Dans cette bataille,
chantiers et promotions immobilières sont arrêtés faute de matériaux de
construction.
Rien ne va dans le bâtiment.
Les exploitants des carrières et les chauffeurs de camion sont divisés sur le
prix du chargement de sable. Conséquence : les différents chantiers des
particuliers et des promoteurs immobiliers sont bloqués. Ils sont en rupture de
sable pour certains et en insuffisance de ce matériau essentiel dans la
construction des logements, pour d’autres. «Nous avons passé une commande de
quatre chargements de sable. Mais nous n’avons reçu que deux. On doit faire la
dalle de l’immeuble, dimanche prochain (demain, ndlr). Nous sommes inquiets,
car les deux chargements de sable livrés sont insuffisants pour faire le
travail », nous explique Coulibaly Inza, rencontré hier sur son chantier,
un immeuble R+3 (c’est-à-dire trois niveaux), à Cocody-Angré 7ème
tranche. Selon lui, depuis plus d’une semaine, les travaux sont ralentis et le
personnel a été réduit au strict minimum. «Le travail n’évolue pas. On est
obligé de mettre au chômage technique une partie du personnel »,
annonce-t-il, avec un pincement au cœur. «Les chauffeurs de camions nous ont
dit que les exploitants des carrières ont majoré de 5.000Fcfa, voire 10.000Fcfa,
le prix du chargement qui varierait entre 35.000F et 45.000F. Nous sommes
bloqués. On ne sait pas qui dit vrai. Mais avant cette situation, le chargement
de douze mètres cubes était livré à 80.000F. Il est évident qu’avec la nouvelle
augmentation, le prix connaitra une hausse à la livraison», nous confie-t-il. C’est
la même situation sur le chantier de Gohi-Bi Tidou. Trois manœuvres ramassent des
gravats. Et plus rien. « Comme vous le voyez, tout est arrêté depuis quelques
semaines. Le crépissage devait commencer, mais nous n’avons pas de sable. Alors,
on a libéré les maçons, car les chauffeurs de camion ont annoncé que le prix du
chargement a grimpé. Donc, ils ne peuvent plus nous livrer les douze mètres cubes à 70.000F. C’est une situation
qui nous pénalise puisque nous devions livrer le chantier en décembre prochain»,
regrette notre interlocuteur qui a débuté en mars, les travaux de construction
d’un duplex. A en croire M. Gohi-Bi, le manque à gagner est énorme, surtout
pour les maçons et manœuvres. «Les maçons, révèle-t-il, sont payés à 30.000F
par semaine, soit 5000F/jour. Les aides-maçons reçoivent 3000F/jour et les
manœuvres 2500F/jour. Nous sommes donc confrontés à un véritable problème
auquel il faut trouver une solution rapide ». Kouamé Landry, propriétaire d’un
chantier à Saint-Viateur de la Riviéra-Palmeraie, reste amer. « On a des
problèmes de fourniture en sable depuis plus de deux semaines. Une augmentation
du prix du chargement est à la base de cette situation. Ce qui nous oblige à
fermer le chantier. Nous prenons le chargement à 75.000F, mais les chauffeurs
veulent nous le livrer à 100.000F sous prétexte que les exploitants ont
augmenté leur prix de vente. Nous avons un effectif de 45 maçons repartis en
trois équipes de 15. Toutes ces personnes sont en chômage technique à cause de
cette mesure », s’insurge-t-il contre cette situation, en précisant que
les employés reçoivent entre 30.000F et 36.000F par semaine comme paie.
Origine
de la crise…
Au terme d’une conférence de
presse conjointe qu’il a animée le 26 août dernier à Yopougon avec le président
de l’Association pour la protection des consommateurs actifs de Côte d’Ivoire
(Aproca-CI), Marra Sékou, président du Syndicat des chauffeurs de bennes de
Côte d’Ivoire (Synab-CI), a soutenu que l’augmentation du prix du chargement de
sable a été décidée de façon unilatérale par les exploitants. « Nous
achetons le sable et le gravier avec les exploitants des carrières. Nous
revendons ce sable-là aux clients (particuliers et entreprises immobilières).
Nous livrons le chargement de sable à 80.000F à condition que les exploitants
nous vendent à 30.000F les chargements. Mais aujourd'hui, ce n'est pas le cas
car ils ont augmenté le prix. Il est fixé à 45.000F. Dans ces conditions, nous
sommes obligés de répercuter cette augmentation sur le consommateur. Donc, on
vend le chargement de sable et de gravier concassé entre 110.000 F et 120.000F.
Cela nous pose des problèmes sur le terrain parce que les clients se plaignent
de cette hausse. Certains nous accusent d'être des voleurs. Et pourtant, cette situation
ne dépend pas de des revendeurs. Ce sont les exploitants des carrières qui ont
fixé le prix de façon unilatérale », accuse-t-il en indiquant qu’en guise
de protestation, ses camarades et lui ont entamé une grève illimitée pour
revendiquer le maintien du prix initial. Et ce, depuis deux semaines. Ils exigent
que le prix du sable soit fixé à 30.000F. « Pour maintenir leur prix, ils
ont décidé d'appliquer la loi de la rotation. Il y a à Abidjan 24 carrières.
Ils ont décidé que deux carrières ouvrent par jour, pour servir plus de cinq
cents camions. Imaginez l'embouteillage dans les carrières et le manque à
gagner », s’inquiète-t-il. « Il y a 24 carrières de sable et de
gravier à Abidjan. Depuis le 25 mai 2010, certains exploitants ont augmenté
leur tarif. Il est passé de 15.000F à 30.000F et de 25.000F à 45.000F. Les
autres appliquent l'ancien prix. Ils ne l'ont pas augmenté. Le coût de la livraison
du sable et du gravier tourne autour de 60 à 70.000F. C'est une augmentation
qui n'est pas justifiée », refuse le président de l’Aprocaci, Soumahoro
Ben N’Faly.
Ouattara
Moussa
Une vue d’un bâtiment dont les travaux ont été arrêtés, à Cocody-Angré 7ème
tranche.
Photos: Ouattara Moussa
Encadré :
Les exploitants amers
Les exploitants n’entendent pas les choses de cette oreille. « Je suis un peu surpris quand vous parlez d'augmentation. Nous, exploitants de sable de Côte d'Ivoire, n’avons pas augmenté le prix du sable. Il n'y a pas de nouveaux prix. Ce sont 45.000F et 30.000F en raison de 3.750F, le mètre cube, qui varie selon le véhicule de transport, depuis le 5 mai 2010. Rien n'a changé. Ce qui a peut-être changé et que nous ne maîtrisons pas, c’est le circuit emprunté par le sable depuis nos carrières jusqu'au consommateur final. Je ne sais pour quelle raison le sable arrive chez le client à 90.000F. En 2010, c'est de commun accord que nous avons pratiqué ce coût, 45.000F. Ils ont travaillé avec ce tarif de 2010 jusqu'au 12 juillet 2013 et ont fait véhiculer une rumeur pour nous obliger à accepter leurs caprices », se défend Diarrassouba Lamine. Pour le secrétaire général adjoint du Syndicat national des exploitants des carrières de sable et gravier roulé de Côte d'Ivoire (Synecaci), des mesures seront annoncées pour éviter de subir "les humeurs des chauffeurs". « Nous sommes en train de prendre des dispositions. Ce sont, entre autres, la constitution d'un parc automobile pour être indépendants de ces chauffeurs capricieux. Cela nous permettra de livrer, nous-mêmes, le sable et de réduire davantage son coût. Il existe 25 carrières à Abidjan et sa banlieue », précise-t-il, avant d’indiquer ceci : « les chauffeurs font courir une rumeur. Alors que nous accompagnons l'Etat de Côte d'Ivoire, ils s'y opposent. Leurs revendications ont d'autres motivations. Nous n’avons rien imposé de nouveau. Ce n'est pas une rotation. Quand on vous dit que si le sable mouillé sort de votre carrière, vous risquez d'avoir un problème au même titre que celui qui le transporte. Ils racontent des histoires. A Yopougon, il y a au moins cinq carrières qui fonctionnent par jour. C'est pareil à Koumassi, à Bingerville... Il n'y a pas de problème de rotation. Ils ont induit des gens qui les ont suivis en erreur; ces personnes découvriront la vérité.»
OM
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