samedi 28 septembre 2013

Insécurité à Abidjan: Le gang à la machette à la loupe du doyen de l'Ufr de Criminologie.

Pr Alain Sissoko, doyen de l’Ufr de criminologie

«Toute société produit des microbes sociaux»     

Le professeur Alain Sissoko, doyen de l’Ufr de criminologie explique le phénomène du gang à la machette et donne des propositions.

Nous assistons à une nouvelle forme de criminalité. Des jeunes gens qui attaquent les populations à la machette. Comment expliquez-vous cela ?

Il faut raisonner en termes d’hypothèses, pour le moment. Ce phénomène mérite une étude criminologique notamment sociologique et psychologique. Ce que je peux vous dire c’est en termes d’hypothèse. Je sais que s’il y a des gangs qui s’affrontent ces gangs-là s’attaquent aux populations. Je pense que c’est un peu l’exigence des problèmes économiques et des exigences culturelles. En général, toute société intègre des individus en temps exclu d’autres. Ces jeunes sont exclus au plan scolaire. Je pense que la plupart d’entre eux sont déscolarisés d’une part. Donc, le problème de non scolarisation. Ce sont des jeunes de familles de 18 et 20 ans je doute qu’ils soient intégrés au plan professionnel. Evidement, on dit, toute société produit des microbes sociaux. A juste titre, pareil-t-il, eux-mêmes se font appeler des microbes. Je pense que c’est un phénomène qui interroge qui interpelle la société au plan individuel et au plan collectif. Et puis au plan phycologique, il faut faire des études pour savoir si ces jeunes bénéficient d’un encadrement familial. Aujourd’hui, quand je regarde dans les quartiers, il y a de l’extrême pauvreté. Ce n’est plus comme avant où les parents s’occupaient des enfants. On disait que les enfants appartenaient à toute la communauté. On remarque que dans les quartiers, déjà à 6 ans, on dit il va « se chercher ». Mais des enfants de pauvres, les parents ne savent même pas où leurs enfants se trouvent. Je pense qu’il y a des problèmes d’ordres sociologies et aussi d’ordres psychologiques.   

Les communes d’Adjamé, d’Abobo et d’Attécoubé sont plus concernées par ce phénomène. Pourquoi ces communes ?
Comme je l’ai dit en dehors d’études on ne peut rien affirmer. On peut déjà pense que ce sont des communes où règnent l’extrême pauvreté. Il y a une exclusion sociale. Ce sont des jeunes qui n’ont pas de projets de vie. Il faut véritablement mener une étude et attirer l’attention du public sur ce fait. Parce que quand on n’aborde pas dès maintenant ces problèmes, on ne fait pas de prévention par rapport à l’explosion du phénomène. On est dépassé par l’ampleur. Fondamentalement c’est la pauvreté. Aujourd’hui, nous sommes dans une mondialisation économique qui exclu vraiment les pauvres. Prenez par exemple les pauvres, les minorités aux Etats-Unis. Des jeunes dès qu’il y a des coupures d’électricité, ils sortent et ils manifestent. Ils rentrent dans les supermarchés. Personne ne peut les réprimer véritablement. Ils envahissent les supermarchés. Ils volent tout. Ça peut arriver ici.

A notre niveau, vous avez fait des études sur le phénomène ?
Non. Le phénomène est nouveau. Abidjan est un laboratoire sociologique et criminologique. Il y a des phénomènes nouveaux qui apparaissent. En matière de sécurité, le défaut de notre encadrement. Au plan politique et au plan de la sécurité on ne fait pas de prévention. Les séminaires qui se passent, nous à l’Ufr de criminologie, on ne reçoit aucune invitation. Nous demandons aux autorités. C’est un plaidoyer. On l’impression qu’il y a deux mondes : le monde du travail et le monde universitaire à part. On doit travailler pour nos dirigeants. On doit éclairer nos dirigeants pour ces problèmes afin qu’ils prennent les décisions. Ça me fait souvent mal.  

Ce phénomène du gang à la machette a-t-il un lien avec la drogue ?
Oui c’est possible. Evidemment, ça c’est ce que j’appelle l’approche au plan individuel. Ces jeunes se droguent. Ils sont très excités. Ils sont prêts à passer à l’acte. Il faut ajouter aussi l’alcool qui gangrène notre jeunesse et le monde entier. Ces jeunes, souvent quand ils se droguent, dès qu’ils sont dans un état second ils passent à l’acte. La drogue peut amplifier le phénomène. Je pense que fondamentalement c’est l’exclusion sociale. Il y a beaucoup de jeunes qui sont exclus. Quand on voit souvent ces jeunes, c’est des jeunes mécaniciens, des menuisiers ; des apprentis de "gbaka" qui travaillent dans le secteur informel. On les considère comme des voyous. Quand on a une telle image d’eux, ils veulent aussi se faire entendre. Dans toute société, chacun veut avoir une place. Quelque soit ces personnes. Donc, chacun revendique une grande partie de son identité. D’après vos écrits qu’il y a des filles dans ces groupes alors qu’avant les filles restaient auprès de la mère ou des tantes pour préparer. Ce n’est plus le cas. Il y a aussi le contrôle social. Les leaders de familles, les leaders religieux arrivent à s’imposer à ces jeunes, à les conduire et à les donner des conseils.

Pourquoi ce sont des jeunes gens de 10 à 17 ans ?

Aujourd’hui, regardez votre société. Les différentes crises qu’a connues la Côte d’Ivoire. Quelles sont les valeurs? C’est l’argent, le sexe, la violence. La violence fait partie de notre monde. De notre quotidien. Aujourd’hui, on abat quelqu’un et l’acte pareil banal. Donc, ces valeurs jouent un rôle. Ces images qu’on a vues à la télé pendant la crise postélectorale. On montrait des corps. Quand tu regardes tout ça c’est grave. Voilà c’est tous ces modèles qui sont véhiculés qui peuvent expliquer le comportement de cette jeunesse. Il faut une étude approfondie. C’est pour cela que je parle en termes d’hypothèses. Ce sont des jeunes exclus qui ne font que s’affirmer par la violence avec des armes à feu et des armes blanches.

Quelles sont les solutions que vous préconisées?
Je pense que c’est complexe. L’ampleur du phénomène est telle que ce sont des jeunes qu’il faut occuper. Il faut qu’ils puissent avoir un travail. Il faut scolariser certains d’entre-eux. Les engager dans un processus social. Il faudrait pourvoir les encadrer, les donner un projet d’existence. Quand quelqu’un n’a pas un projet de vie, il doit être comme quelqu’un qui est perdu dans le désert. Et l’image du désert, on est seul. On ne sait pas où on va. A la vie, on va demander secours. Est-ce que ce n’est pas un appel à la société. Est-ce que ce n’est un appel au secours. Il ne faudrait pas voir cela négativement.   


   


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