Abidjan / Accidents de la circulation
Une
journée avec les secouristes
C’est
la course contre la montre. Chaque jour, les secouristes de la Mission
scientifique des droits de l’Homme et du travail (Msdht) engagent une bataille
pour sauver les blessés des accidents de la circulation. Nord-Sud Quotidien les
a suivis lors des interventions à travers les différentes communes d’Abidjan.
Reportage.
La radio crépite. Il est
8h40 ce samedi 14 septembre. Au bout du fil, une dame en pleurs appelle au
secours. Nous sommes à Port-Bouët (Vridi, à 300 mètres de la Société ivoirienne de contrôle technique
automobile-Sicta). Précisément au Centre de transmission et de
coordination (Cct) de la Mission scientifique des droits de l’Homme et du
travail (Msdht) présidée par Fofana Moussa. Le responsable des opérations de
transmission décrypte le message. Il s’agit d’un accident de la circulation qui
vient de se produire au niveau du monument Akwaba de Port-Bouët.
« Avp ! Avp ! (accident sur la voie publique, ndlr) On embarque
Pour Port-Bouët». Habillé dans une combinaison dont la couleur dominante est le
vert, Fofana Moussa avec sa petite moustache, donne l’ordre à sa troupe de se
mettre en branle. Précisons qu’il dirige une équipe de 50 bénévoles dont huit
médecins généralistes. La troupe se met aussitôt en mouvement. Certains
secouristes portent la même combinaison estampillée "Mission scientifique
des droits de l’Homme et du travail" (Msdht). D’autres agents sont
habillés en tenue civile (Tc). Koné Souleymane,
l’un des trois ambulanciers, est plus pressé que tout le monde. Il saute dans
son véhicule de type 4x4 couleur verte. D’un coup sec, il tourne la clé de
contact et le moteur est en marche. Les gyrophares scintillent. Les deux autres
brancardiers imitent son geste. Les moteurs de leurs véhicules de type 4x4
vrombissent également. Tous les véhicules sont équipés de talkie-walkie afin de
coordonner les mouvements. A l’intérieur de chaque ambulances, il y a deux
civières, deux valises artel (ce
sont les accessoires capables de maintenir un membre fracturé) des gants, des
seringues, des paquets de sparadraps, du coton, des gélo-plasmas (solution
contenue dans des poches dont l’administration permet de stabiliser les blessés
et freiner les hémorragies). Le personnel, composé de deux médecins, de deux
aides-soignantes et de six assistants-secouristes, se dirige aux pas de course
vers les véhicules. Les sirènes retentissent. Nous prenons place à l’arrière de
l’ambulance médicalisée conduite par Souleymane.
Un
accident pas comme les autres
Fofana Moussa, au volant
d’un véhicule tout-terrain, ouvre le cortège. La circulation à cette heure-là
est relativement fluide. Nous empruntons la voie longeant la société de
raffinage pour déboucher sur le carrefour "Petit-Bassam". On
progresse du côté de l’abattoir avant de passer devant le centre pilote. Et
quelques mètres après nous retrouvons le lieu de l’accident à proximité d’une
station-service. Sur place, on voit un attroupement humain. A peine les
véhicules d’intervention s’immobilisent que les secouristes descendent avec
toute l’armada pour l’intervention de sauvetage. Pendant ce temps, certains agents
sécurisent le périmètre en plaçant des cônes dans un rayon de 150 mètres pour
éviter toute surprise désagréable. Les secouristes se déploient. Fofana Moussa
porte des gants. Il se dirige vers la clôture de la cité Infas. On voit le mur
brisé par endroit du fait de la violence du choc. Quelques mètres plus loin, on
aperçoit le véhicule accidenté. C’est une voiture de couleur blanche de type
4x4. A bord du véhicule, git le nommé Maxhaï, sans d’autres précisions. Il
porte des dreadslocks. «Si vous voulez filmez-moi ou photographiez-moi. Ça
m’importe peu. Envoyez les images sur Facebook», lance-t-il au moment où les
secouristes lui font un pansement au niveau du bras droit. Il a eu de la baraka
car il est sorti de l’accident avec seulement quelques égratignures. Selon les
témoignages, le conducteur a quitté la chaussée pour rouler sur 30 mètres sur
le trottoir. Puis s’est retrouvé dans la station-service. «Bizarrement à cette
heure d'affluence c'était le seul véhicule à cet endroit. Il s'est arrangé pour
faire tous ces dégâts. Il a arraché la pompe du produit pétrolier Super. Il
continue sa course pour se retrouver en face de la clôture de la cité Institut
national de formation des agents de la santé (Infas). Là-bas des éléments des
Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci) continuent d’occuper des chambres.
Le conducteur du véhicule accidenté s'est donc retrouvé face au mur. Il a brisé
la clôture. Il a ensuite percuté le bâtiment. La force du mur a réduit la
vitesse du véhicule qui s'est immobilisé», explique Sangaré Amadou, un bouvier,
témoin de l’accident. Assis sur une
table, le blessé subi un examen médical. «Nous avons fait le contrôle. Il est
légèrement blessé au niveau de la main droite. Il est bien conscient. Il n’a eu
aucune fracture. Il est bien portant», rassure Dr. Yéo Ousmane. Entre-temps,
des éléments du commissariat de police du 5ème arrondissement
procèdent à l’audition de la victime et font le constat d’usage.
Ce
qui devait arriver arriva
Nous quittons Port-Bouët
pour Treichville du côté du pont Félix Houphouët-Boigny. Un autre accident
vient d’être signalé qui s’est produit à 9h30. La sirène résonne à nouveau. Dix
minutes plus tard, l’équipe arrive sur les lieux. Un motocycliste, Touré Adama,
a été renversé par un vehicule de particulier conduit par Tra Bi Valérie. La victime se rendait au port de pêche où il
travaille lorsqu’il a été fauché par l’automobiliste. Adama a été blessé à la
jambe droite après sa chute. Il reçoit un pansement. On lui administre un sérum
antitétanique. Les deux parties parviennent à un compromis évitant ainsi la
procédure liée au constat des policiers du 2ème arrondissement. La
matinée de ce 14 septembre est moins agitée mais Fofana Moussa et son équipe
gardent les yeux ouverts. La patrouille se poursuit à travers la commune du
Plateau, d’Attécoubé et d’Adjamé. Tout se passe bien.
A 14 h 45, l’équipage décide
de retourner à la base de Vridi pour recharger les batteries. «On va rentrer.
Par expérience, c’est en début de soirée que nous sommes beaucoup sollicités»,
nous explique le président-fondateur de la Msdht, en précisant qu’il dépense en
moyenne 150.000 FCFA en carburant. «C’est une passion de secourir les personnes
qui sont dans le besoin. On fait ce travail pour épauler les sapeurs-pompiers
militaires dans le secours de personnes en danger. Cependant, l’indiscipline et
le manque de courtoisie de certains automobilistes nous empêchent de travailler
normalement», regrette-t-il. Le retour à la base permet à la troupe de faire le
point de la situation des interventions de la matinée. A 17h, la patrouille
prend la direction de Koumassi où des riverains du quartier
"Campement" signalent un accident de la circulation à proximité de la
pharmacie. Le cortège roule à vive allure. Mais les choses ne tournent pas rond.
A l’entrée du quartier, un embouteillage monstre ralentit les secouristes.
Malgré le scintillement des gyrophares, l’allumage des feux de détresse et les
sirènes en marche, les automobilistes, en particulier les conducteurs de
«wôrô-wôrô», refusent de céder le passage. Nous sommes coincés dans le bouchon.
Pendant une trentaine de minutes, le convoi cherche une voie de contournement.
Il a fallu l’intervention musclée des policiers du 6ème
arrondissement pour ouvrir une brèche à l’équipage.
L’indiscipline
de certains automobilistes
Sur place, une gamine
ensanglantée est étendue sur le macadam. Touré Fatim, 10 ans, a été fauchée par
un indélicat conducteur de taxi communal. Le chauffard a pris la fuite. Fofana
et ses hommes volent au secours de la fillette. Elle a une fracture à la jambe
gauche et une plaie ouverte au front. La jambe fracturée est immobilisée dans
un «artel». Elle reçoit un pansement pour freiner l’hémorragie. Affolée, la
mère de la victime pleure. «Hée Dieu !», ne cesse-t-elle de se
lamenter. Elle court dans tous les sens. Elle se jette dans les bras d’une
dame. Celle-ci lui murmure des mots à l’oreille pour la consoler. Les
secouristes stabilisent le saignement. Ils invitent la mère de la petite à
prendre place dans l’ambulance. La
procédure d’évacuation est déclenchée. L’adolescente est transportée sur une
civière à bord de l’ambulance où nous avons pris place depuis le début de la
ronde. Elle est soutenue par sa mère qui ne finit pas d’essuyer ses larmes. La
malade est conduite à l’hôpital général de Port-Bouet. Le déplacement se
déroule normalement car il n’y a plus d’embouteillage. La prise en charge par
le médecin de permanence se fait rapidement. Le personnel soignant s’occupe de
la victime. «M. Fofana nous a remis la fiche technique de la malade. Nous
savons ce qui reste à faire. Donc, tout va se dérouler normalement. Nous allons
mettre la victime en observation et lui administrer les soins appropriés»,
explique Dr. Kacou Yves.
Les
ambulances du Gspm manquent de tout
Les accidents s’enchaînent.
Il est 18h30 lorsqu’un autre message de secours est reçu au standard. On
signale une collision entre la station- service et le rond-point du Banco, dans
la commune d’Abobo. Les véhicules d’intervention de la Msdht démarrent à
nouveau. Une vie à sauver. On met le cap sur Abobo. Il faut traverser les
communes de Port-Bouet, de Koumassi, de Marcory, de Treichville, du Plateau, d’Adjamé.
L’appel indique que le nommé Adama a violemment percuté Koudou Bohui Henri. Selon
les témoignages, le piéton traversait la chaussée lorsque le conducteur du
véhicule de transport en commun appelé communément "gbaka" l’a fauché
au milieu dans la voie express dans le sens Abobo-Adjamé. L’imprudent
conducteur a pris la fuite laissant le pauvre dans une mare de sang. Il a eu un
traumatisme crânien et une plaie ouverte au niveau de la nuque. Nous n’avons pu
arriver sur les lieux qu’une heure après. Il y avait un gros embouteillage
depuis la casse d’Adjamé. Nous retrouvons le jeune homme de 26 ans ayant perdu assez
de sang et presqu’inerte. Séance tenante, les secouristes s’organisent. «Il a
perdu assez de sang. On lui place ce gélo pour compenser la perte de sang. On
lui fait aussi un bandage au niveau de la tête pour freiner l’hémorragie», nous
explique Dr. Yéo. Le pronostic vital de
l’accidenté est engagé. Cinq minutes plus tard, une ambulance de réanimation
des soldats du feu arrive en renfort. Karimou Coulibaly, commissaire de
police du 21ème arrondissement et ses éléments ont déjà
quadrillé le périmètre. Marc, le petit-frère du blessé, est en larmes. Une
foule de badauds est amassée sur la chaussée. Ce qui crée un ralentissement de
la circulation des véhicules dans les deux sens de la voie express. La victime
est transportée dans l’ambulance du Gspm. Fait notable. L’ambulance du Gspm est
dépourvue de tout. Les soldats du feu n’ont même pas de gants à main, a
fortiori les produits pharmaceutiques de premières nécessités. Pourquoi ?
Le chef de bord, un adjudant-chef, se refuse à tout commentaire. «Le plus
important, c’est de secourir le blessé. Donc, nous leur donnons nos produits
pour faire le travail», indique Mme Touré, aide-soignante. Le médecin de la
Msdht prend place dans l’ambulance du Gspm où se trouve l’ accidenté. Nous sommes dans l’autre
ambulance en compagnie de Mme Touré et le reste du personnel. Direction :
Centre hospitalier universitaire (Chu) de Yopougon. Sur place, tous les lits du
service des urgences sont occupés. Koudou Bohui Henri est couché à même le sol.
L’équipage de la Msdht transmet le rapport du diagnostic primaire au Dr. Konan
Abokan, médecin de permanence. Il lui explique les premiers soins qui ont été
prodigués. Pendant ce temps, la victime se tord de douleurs. «Nous allons
assurer la prise en charge. Le patient est lucide. Il est stable. Il faut faire
des analyses poussées pour voir s’il n’y a pas d’autres complications, à savoir
une hémorragie interne», soutient-il. Il est presque 21h lorsque nous quittons
le Chu. C’est dans une ambiance bonne enfant que les sapeurs-pompiers et les
secouristes de la Msdht quittent le lieu, avec le sentiment du devoir
accompli : celui de secourir une victime.
Ouattara
Moussa
Encadré: Ce qui ne faut pas faire
Selon Fofana Moussa,
président de la Mission scientifique des droits de l’Homme et du travail
(Msdht), la plupart des accidents de la circulation sont dus aux excès liés
soit à l’alcool soit à la vitesse ou encore à l’usage du téléphone portable au
volant. «Il y a aussi le zèle de
certains conducteurs. Ils se trouvent dans une position très joviale. Ils
oublient qu'ils sont au volant d'un véhicule qui peut faire toutes sortes de
dégâts à tout moment. Les automobilistes doivent faire attention lorsqu'ils
sont en train de rouler sur la voie publique. Si vous avez bu de l'alcool,
allez vous coucher et dormez un peu. Lorsque l'effet de l'alcool va passer
alors prenez le volant. Sachez que vous n'êtes pas les seuls usagers de la
route. L'état d'ébriété peut causer des dégâts importants souvent mortels.
Lorsque vous roulez, évitez de communiquer au téléphone. Les comportements au
téléphone empêchent les autres usagers de rouler normalement. Les
communications au volant constituent des risques sociaux susceptibles
d'entrainer beaucoup de désagrément sur la voie publique. Les piétons doivent
respecter les principes de priorités», conseille-t-il.
OM
Les secouristes de la mission scientifique des droits de l'homme et du travail et les sapeurs pompiers volent au secours des blessés lors d'un accident de la circulation sur l'axe Abidjan-Azaguié
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