Interview
Gangs à la machette à
Abobo/Bamba Amadou alias Tigré, président de l'Association des jeunes du 2ème arrêt
(Aj2a):
" Ces enfants peuvent devenir des terroristes
si …"
Des
jeunes gens veulent en découdre avec les gangs à la machette qui sèment la
terreur au sein des populations abidjanaises. Selon le président de l'Association
des jeunes du 2ème arrêt (Abobo), face à cette nouvelle forme de banditisme
urbain, il faut appliquer la loi du talion.
Face
à la montée en puissance des gangs à la machette à Abobo, faut-il avoir peur de
se rendre dans cette commune?
Il faut avoir peur
d'aller à Abobo parce que la sécurité n'est pas garantie. Partout et à tout
moment, des groupes de jeunes peuvent sortir de nulle part pour vous agresser
avec des machettes. Je ne conseille pas à quelqu'un de venir en ces temps-ci à
Abobo. Il faut que la sécurité revienne avant d'inviter les gens à y venir.
Qu'est-ce
que vous allez faire pour que la sécurité revienne?
Nous avons besoin de
la contribution de tout un chacun, en particulier celle du ministre de
l'Intérieur et de la sécurité. Nous souhaitons qu'il active réellement les
forces de sécurité à Abobo à travers les patrouilles. Nous voulons qu'il
déploie la police criminelle ici. Car les voyous d'Abobo n'ont peur que de
cette unité spéciale de la police.
Etes-vous
en train de dire que les responsables locaux de la sécurité ne font pas leur
travail?
Je ne suis pas en
train de dire que les responsables en charge de la sécurité ne font pas leur
travail. Ils font ce qu'ils peuvent mais ils sont dans un endroit bien
déterminé. Ils sont dans leur poste de police et dans les casernes militaires.
Mais
ils ne sont pas cantonnés puisqu'on les voit faire souvent la ronde dans les
différents quartiers.
Quand les gangs à la
machette sévissent, on les appelle. Lorsqu'ils arrivent, ils mettent leur
sirène en marche. Les malfrats disparaissent dans la nature lorsqu’ils
l’entendent. Cela fait près de deux ans que les mêmes acteurs sévissent à
Abobo. On ne peut comprendre cela ! Beaucoup a été fait mais il reste
beaucoup de choses à faire.
Que
préconisez-vous dans ce cas ?
Il faut cibler les
auteurs. Il faut les rechercher en lançant des avis de recherche. Il faut
mettre de vrais investigateurs aux trousses de ces bandits. Ces derniers
doivent être traqués dans leur dernier retranchement afin de les rattraper pour
les punir.
Les
membres des gangs à la machette sont généralement des gamins. Ils sont issus des
familles. Pourquoi la répression de ce fléau ne marche-t-elle pas?
Ce qui ne marche pas,
c'est que lorsqu'ils laissent les machettes et qu'ils retournent dans leurs
domiciles, les actions de la police ne continuent pas. Il faut toujours les réprimer.
Il faut rechercher ces malfrats jusque dans leur dernier retranchement. C'est
cette façon d'agir qui peut mettre fin à ce phénomène. A l'époque, quand
quelqu'un tailladait à la machette une personne, il était recherché même dix ans
après les faits. L'auteur était jugé et condamné à une lourde peine de prison.
Après
les affrontements meurtriers entre des bandes armées la semaine dernière, dans
quel état d'esprit se trouvent les riverains?
Nous sommes dans une
situation de terreur. Dans notre quartier, à partir de 19 heures, il n'y a plus
personne dehors. Le quartier se vide de sa population. Des locataires de
plusieurs cours communes ont fui leurs maisons pour se réfugier chez des
parents dans d'autres quartiers. Ils y viennent pendant la journée mais ils
vont dormir ailleurs de peur d'être agressés.
Avez-vous
initié des rencontres avec ces enfants et leurs parents pour leur demander ce
qui les motive à prendre des machettes pour agresser les populations ?
Nous avions commencé
la sensibilisation il y a plus d'un an. Aujourd'hui, il faut noter que les
vrais acteurs de ces attaques ne sont pas forcément de notre quartier. Nous
savons que nous sommes beaucoup convoités. Vous avez des jeunes qui viennent
d'autres quartiers. Cela s'explique par le fait que nous sommes à proximité de
la gare routière. Il y a les cabarets, les maquis, les maisons closes. Les
jeunes viennent s'asseoir dans les cabarets. On ne sait d'où ils viennent. Ils
passent tout le temps dans ces endroits.
Ne
faut-il pas commencer à détruire ou empêcher l'installation des cabarets et
maquis?
Nous avisons les
responsables de sécurité. Il appartient à l'autorité de prendre des mesures.
Nous avions aussi informé la mairie. La présence de ces cabarets agit
négativement sur l'éducation de nos enfants. La majorité de nos jeunes gens
sont déscolarisés parce qu'ils n'ont pas de bons modèles. Notre rôle est
d'alerter les autorités. C'est ce que nous faisons.
Que
faut-il faire pour éradiquer ce phénomène?
Les solutions se
trouvent à plusieurs niveaux. Il faut
sensibiliser les enfants. Les autorités doivent tenir leurs promesses
face à cette jeunesse. Il faut dire qu'aujourd'hui, le taux du chômage des
jeunes grimpe chaque jour. Il ne
faudrait pas être surpris de voir demain ces jeunes-là se transformer en de
grands braqueurs et même en des terroristes. Ces enfants peuvent devenir des
terroristes si l’occasion se présente à eux. Cela n'est pas exclu. Je
pense que le Nord-Mali était une zone abandonnée. Les terroristes sont arrivés.
Ils ont converti les voyous pour les
utiliser par la suite dans la guerre. Il est vrai que nous ne sommes pas à ce
stade mais nous ne sommes pas aussi à l'abri. Nous allons prendre des mesures à
la suite de la rencontre que nous allons tenir dimanche prochain. Désormais,
avec l'accord des sages, les danses "sipa" seront interdites. Ce sont des lieux de rendez-vous
de ces voyous pour commettre les agressions et dépouiller les populations. Le
comité de gestion va prendre ses responsabilités. Toute manifestation publique
doit être soumise à la mairie après approbation du comité. Les parents seront
mis devant leur responsabilité.
Réalisée
par Ouattara Moussa
Lég :
Bamba Amadou a annoncé un meeting dimanche prochain au stade du quartier pour
lancer un dernier ultimatum aux gangs à la machette.
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