lundi 4 novembre 2013

Bousculades, accidents, incendies…/ Lt-colonel Issa Sakho, commandant du Groupement des sapeurs-pompiers militaires (Gspm): " Nous sommes armés pour les fêtes de fin d’année "

Interview réalisée le mercredi 30 octobre 2013

Bousculades, accidents, incendies…/ Lt-colonel Issa Sakho, commandant du Groupement des sapeurs-pompiers militaires (Gspm):

" Nous sommes armés pour les fêtes de fin d’année "

A la suite de notre enquête relative au vol des biens des accidentés(in Nord-Sud Quotidien numéro 2494 du vendredi 25 octobre, ndlr), le commandant du Groupement des sapeurs-pompiers militaires (Gspm) a indiqué que les objets sont recensés et remis à la police ou à la gendarmerie. Le lt-colonel Issa Sakho a aussi rassuré la population que ses hommes et lui sont prêts à parer à toute éventualité lors des fêtes de fin d’année.

Sur le théâtre du sinistre, les blessés possèdent des biens. Lorsque vos équipes de secours arrivent, que font-elles des objets retrouvés sur le lieu de l'accident?

Il faut dire qu’en ce qui concerne les biens que nous trouvons sur les victimes, les instructions que toutes nos équipes ont, c'est de les recenser. On ne les laisse pas comme ça. On les recense et on les remet aux forces de l'ordre qui arrivent sur les lieux, c'est-à-dire la police ou la gendarmerie. Cela dépend du lieu où s'est produit l'accident. Si c'est en ville, on remet les biens à la police. Si c'est en rase campagne ou sur l'autoroute, les objets sont remis à la gendarmerie. Mais mes hommes prennent soin de faire décharger tout ce qui a été retrouvé sur les personnes par le policier ou le gendarme qui se présente sur le théâtre du sinistre. Voici comment ça se passe.

Mais cela ne se passe pas toujours ainsi. Il y a des victimes qui se plaignent du fait qu'elles ne retrouvent plus leurs biens. Comment expliquez-vous cette situation?

Malheureusement, c'est vrai ce qu'elles disent. Mais il faut dire que très souvent lorsqu'un accident survient, les premières personnes qui arrivent sur le site ne sont pas les pompiers. Ce sont des badauds. Et parmi eux, il y a toujours des voleurs. Moi, personnellement, j'ai eu a rencontré des cas où il y a eu des sorties de route. Cela s'est passé à proximité de "Washington", quartier précaire non loin du monument aux martyrs en bordure du boulevard lagunaire ; une personne a percuté le terre-plein. Je suis arrivé quelques instants après l'accident. Mais la victime qui était un homme a été dépouillée par des gens qui sont sortis de l'ombre. Il était 23 heures ce jour-là. Il a été totalement dépouillé. Ils n'ont même pas pris soin d'appeler les secours. Après avoir volé les biens du monsieur, ils sont partis. Lorsque je suis arrivé, j'ai sécurisé le lieu. J'ai appelé pour faire venir une ambulance. Donc, ce sont des choses qui arrivent malheureusement. Puisque après cela ce sont les pompiers qui viennent sur le lieu, alors on a tendance a jeté la responsabilité sur nos hommes. Ce qui est faux.

Est-ce que cela ne pose pas le problème du manque de célérité de vos éléments pour intervenir ?

Je vais vous dire quelque chose qui va peut-être vous faire sourire. Les pompiers ne peuvent pas venir à l'heure. Parce que malheureusement le sinistre ne nous prévient pas. Donc, il y a des facteurs sur lesquels il faut tenir compte. Tout d'abord, il faut que le sinistre survienne. Il faut ensuite que certaines personnes le voient. Il faut également que ces personnes aient le réflexe d'appeler. Et il faut que nous nous déplacions jusqu'au sinistre. Tout cela prend du temps. Très souvent, quand nous-mêmes sommes présent à titre personnel sur un sinistre que nous appelons nos collègues, certes nous avons des canaux qui sont plus rapides tels que la radio, pour leur dire que nous sommes en présence d'un accident de circulation faites venir une ambulance à telle adresse. Nous-mêmes sommes impatient. Pourtant nous connaissons très bien la procédure. Il est vrai que quand on est en face d'un sinistre, le temps passe plus vite qu'on ne l'imagine. C'est un mal qui est réel. Mais on ne peut pas faire autrement. Il ne faut pas aussi oublier qu'Abidjan, qui est une très grande agglomération, n'est couverte que par trois casernes à savoir l'Indénié (Plateau), Yopougon et la Zone 4 (Marcory).   
Lorsque vous affirmez qu'on ne peut pas faire autrement. Est-ce que vous êtes en train de dire que les victimes doivent attendre les secours la mort dans l'âme ?
Non ce n'est pas ce que je veux dire. Les sinistrés malheureusement doivent attendre qu'on vienne. On ne peut pas faire autrement c'est-à-dire qu'on sera obligé de faire démarrer le véhicule, de faire le trajet. Quand il s'agit d'un incendie, un Camion citerne d'incendie (Cci, ndlr) qui pèse pas moins de dix tonnes, vous voyez qu'il roule à la vitesse qu'il a. Malheureusement, il se trouve qu'il y a parfois des encombrements sur la voie donc cela fait que forcément ça prend du temps pour arriver sur le lieu du sinistre. C'est dommage mais c'est une réalité. Comme je l’ai dit plus haut, nous avons trois casernes. Abidjan n'est pas assez couverte du point de vue des services d'incendie et de secours. Cela est indéniable. Tout le monde le sait. L'idéal aurait été qu'il ait pour Abidjan, au moins une caserne dans chaque commune. Cela va rapprocher les secours de la population. Mais ce n'est pas le cas donc on fait avec ce qu'on a.

Alors qu'est-ce qui entrave l'implantation de casernes des sapeurs-pompiers dans chaque commune ?

Nous, en tant qu'acteurs, nous ne sommes pas les décideurs de l'implantation de casernes.

Cependant vous faites des propositions pour insister à la prise de décision.

Bien sûr. Nous faisons des propositions à chaque fois que l'occasion nous ait donné. Ce sont les pouvoirs publics qui ont la possibilité de créer une caserne. Nous, en tant qu'entité opérationnelle, nous allons tout mettre en œuvre pour armer ces casernes avec nos personnels et avec les moyens que l'Etat nous donne.

Sur un théâtre de sinistre, quels sont les premiers soins que vos hommes donnent aux victimes?

Pour les accidents de la circulation, il faut dire que nous n’allons  pas pour soigner la victime. On va pour la maintenir en vie. Nous sommes des secouristes. C'est-à-dire qu'on va arrêter le cheminement vers la mort. Donc maintenir la personne en vie soit en arrêtant une hémorragie soit en immobilisant une fracture et en la transportant à l'hôpital. Maintenant pour ce qui est des soins, ce sont les hôpitaux qui font ce qu'il faut. Concernant les incendies, c'est pareil. Nous allons pour arrêter l'incendie.

Et pourtant le 7 septembre aux environs de 21h, nous avons été témoin d'une scène surréaliste au carrefour Banco dans la commune Abobo. L'ambulance de réanimation avec à son bord vos éléments était dépourvue de tout pour secourir un accidenté. Il  n'y avait même pas de gants à main à bord de l’ambulance. Il a fallu que des secouristes bénévoles volent au secours de vos éléments pour donner les premiers soins. 
Quelles explications pouvez-vous donner ?

Cela m'étonne. Mais je vais retrouver l'élément en question et l'engin.

Pourquoi cela vous étonne-t-il  mon colonel ?

Ça m'étonne parce que nous avons le minimum. Soit c'est un élément qui n'a pas pensé ou qui a oublié de mettre ses gants. Sinon tous les jours, les engins sont équipés en matériels de premiers soins, en matériels de protection c'est-à-dire des gants. Ça c'est vraiment le minimum que nous avons dans ces engins. Je suis donc étonné. Vous pouvez même le constater tous les jours, les engins sanitaires font leur ravitaillement au centre médical du Gspm (Groupement des sapeurs-pompiers militaires, ndlr).

Quels sont les produits de première nécessité qu'une ambulance doit contenir avant de partir en intervention ?
Dans une ambulance il y a toujours des compresses, des solutés, des gants chirurgicaux pour la protection des agents. Il y a aussi des brancards, des artels (des accessoires pour stabiliser un membre fracturé, ndlr).

Les fêtes de fin d'année approchent à grands pas. Nous avons en mémoire la bousculade meurtrière du 31 décembre 2012 au Plateau. Avez-vous les moyens pour parer à toute éventualité lors de ces périodes de grands mouvements de foule ?

Notre métier c'est de porter secours aux personnes en détresse. Donc, pour éviter ce genre de drame, nous sommes prêts à parer à toute éventualité. Il y a d'autres structures qui sont chargées d'encadrer les mouvements de foule pour éviter qu'il y ait des bousculades. Ce sont ces structures qui font peut-être mettre des stratégies en œuvre pour éviter ce genre de drame (bousculade du Plateau, ndlr). Nous, avec les dernières acquisitions que nous avons eues ces temps-ci, serons en mesure de travailler dans de bonnes conditions. En termes de logistiques, nous avons reçu de nouvelles ambulances. Nous avons du matériel pour faire face à des manifestations de grandes envergures. Nous sommes armés pour les fêtes de fin d’année. Nous avons les hommes. D'ailleurs cela constitue notre première richesse. Donc, nous sommes prêts.

Quelle est la touche que vous avez apportée depuis votre arrivée à la tête du Gspm?

D'abord, il faut préciser que je suis un ancien du Gspm d'où je suis parti. Mais quand je suis revenu, il a fallu remettre un peu les choses dans l'ordre normal. Parce que certaines habitudes avaient été prises qui tendaient à bousculer la hiérarchie. Nous sommes une unité militaire. Pour nous la discipline qui fait la force principale des armées doit habiter chacun de nos hommes. Sans discipline nous ne pouvons pas faire notre métier de sapeur-pompier. Donc nous avons mis l'accent sur l'esprit de discipline de nos hommes; le ré-encadrement des hommes. Nous avons ensuite renforcé la formation parce que le métier de sapeur-pompier est très professionnalisé ; il faut que les gens connaissent leur métier. Enfin, avec l'appui de partenaires divers, nous avons acquis de nouveaux matériels. Cela grâce au président de la République, au gouverneur du district d'Abidjan et à bien d'autres acteurs. Nous sommes aujourd'hui assez mieux lotis qu'il y a quelques années.


Réalisée par Ouattara Moussa




Le lt-colonel Issa Sakho tient à la discipline au sein de sa troupe.

Photos : Ouattara Moussa

  
  





   



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