Interview
réalisée le mercredi 30 octobre 2013
Bousculades, accidents,
incendies…/ Lt-colonel Issa Sakho, commandant du Groupement des sapeurs-pompiers
militaires (Gspm):
"
Nous sommes armés pour les fêtes de fin d’année "
A
la suite de notre enquête relative au vol des biens des accidentés(in Nord-Sud
Quotidien numéro 2494 du vendredi 25 octobre, ndlr), le commandant du
Groupement des sapeurs-pompiers militaires (Gspm) a indiqué que les objets sont
recensés et remis à la police ou à la gendarmerie. Le lt-colonel Issa Sakho a
aussi rassuré la population que ses hommes et lui sont prêts à parer à toute
éventualité lors des fêtes de fin d’année.
Sur
le théâtre du sinistre, les blessés possèdent des biens. Lorsque vos équipes de
secours arrivent, que font-elles des objets retrouvés sur le lieu de
l'accident?
Il faut dire qu’en ce
qui concerne les biens que nous trouvons sur les victimes, les instructions que
toutes nos équipes ont, c'est de les recenser. On ne les laisse pas comme ça.
On les recense et on les remet aux forces de l'ordre qui arrivent sur les lieux,
c'est-à-dire la police ou la gendarmerie. Cela dépend du lieu où s'est produit
l'accident. Si c'est en ville, on remet les biens à la police. Si c'est en rase
campagne ou sur l'autoroute, les objets sont remis à la gendarmerie. Mais mes
hommes prennent soin de faire décharger tout ce qui a été retrouvé sur les
personnes par le policier ou le gendarme qui se présente sur le théâtre du
sinistre. Voici comment ça se passe.
Mais
cela ne se passe pas toujours ainsi. Il y a des victimes qui se plaignent du
fait qu'elles ne retrouvent plus leurs biens. Comment expliquez-vous cette
situation?
Malheureusement, c'est
vrai ce qu'elles disent. Mais il faut dire que très souvent lorsqu'un accident
survient, les premières personnes qui arrivent sur le site ne sont pas les
pompiers. Ce sont des badauds. Et parmi eux, il y a toujours des voleurs. Moi,
personnellement, j'ai eu a rencontré des cas où il y a eu des sorties de route.
Cela s'est passé à proximité de "Washington", quartier précaire non
loin du monument aux martyrs en bordure du boulevard lagunaire ; une
personne a percuté le terre-plein. Je suis arrivé quelques instants après
l'accident. Mais la victime qui était un homme a été dépouillée par des gens
qui sont sortis de l'ombre. Il était 23 heures ce jour-là. Il a été totalement
dépouillé. Ils n'ont même pas pris soin d'appeler les secours. Après avoir volé
les biens du monsieur, ils sont partis. Lorsque je suis arrivé, j'ai sécurisé
le lieu. J'ai appelé pour faire venir une ambulance. Donc, ce sont des choses
qui arrivent malheureusement. Puisque après cela ce sont les pompiers qui
viennent sur le lieu, alors on a tendance a jeté la responsabilité sur nos
hommes. Ce qui est faux.
Est-ce
que cela ne pose pas le problème du manque de célérité de vos éléments pour
intervenir ?
Je vais vous dire
quelque chose qui va peut-être vous faire sourire. Les pompiers ne peuvent pas
venir à l'heure. Parce que malheureusement le sinistre ne nous prévient pas.
Donc, il y a des facteurs sur lesquels il faut tenir compte. Tout d'abord, il
faut que le sinistre survienne. Il faut ensuite que certaines personnes le
voient. Il faut également que ces personnes aient le réflexe d'appeler. Et il
faut que nous nous déplacions jusqu'au sinistre. Tout cela prend du temps. Très
souvent, quand nous-mêmes sommes présent à titre personnel sur un sinistre que
nous appelons nos collègues, certes nous avons des canaux qui sont plus rapides
tels que la radio, pour leur dire que nous sommes en présence d'un accident de
circulation faites venir une ambulance à telle adresse. Nous-mêmes sommes impatient.
Pourtant nous connaissons très bien la procédure. Il est vrai que quand on est
en face d'un sinistre, le temps passe plus vite qu'on ne l'imagine. C'est un mal
qui est réel. Mais on ne peut pas faire autrement. Il ne faut pas aussi oublier
qu'Abidjan, qui est une très grande agglomération, n'est couverte que par trois
casernes à savoir l'Indénié (Plateau), Yopougon et la Zone 4 (Marcory).
Lorsque
vous affirmez qu'on ne peut pas faire autrement. Est-ce que vous êtes en train
de dire que les victimes doivent attendre les secours la mort dans l'âme ?
Non ce n'est pas ce que
je veux dire. Les sinistrés malheureusement doivent attendre qu'on vienne. On
ne peut pas faire autrement c'est-à-dire qu'on sera obligé de faire démarrer le
véhicule, de faire le trajet. Quand il s'agit d'un incendie, un Camion citerne
d'incendie (Cci, ndlr) qui pèse pas moins de dix tonnes, vous voyez qu'il roule
à la vitesse qu'il a. Malheureusement, il se trouve qu'il y a parfois des
encombrements sur la voie donc cela fait que forcément ça prend du temps pour
arriver sur le lieu du sinistre. C'est dommage mais c'est une réalité. Comme je
l’ai dit plus haut, nous avons trois casernes. Abidjan n'est pas assez couverte
du point de vue des services d'incendie et de secours. Cela est indéniable.
Tout le monde le sait. L'idéal aurait été qu'il ait pour Abidjan, au moins une
caserne dans chaque commune. Cela va rapprocher les secours de la population.
Mais ce n'est pas le cas donc on fait avec ce qu'on a.
Alors
qu'est-ce qui entrave l'implantation de casernes des sapeurs-pompiers dans
chaque commune ?
Nous, en tant
qu'acteurs, nous ne sommes pas les décideurs de l'implantation de casernes.
Cependant
vous faites des propositions pour insister à la prise de décision.
Bien sûr. Nous faisons
des propositions à chaque fois que l'occasion nous ait donné. Ce sont les
pouvoirs publics qui ont la possibilité de créer une caserne. Nous, en tant
qu'entité opérationnelle, nous allons tout mettre en œuvre pour armer ces
casernes avec nos personnels et avec les moyens que l'Etat nous donne.
Sur
un théâtre de sinistre, quels sont les premiers soins que vos hommes donnent
aux victimes?
Pour les accidents de la
circulation, il faut dire que nous n’allons pas pour soigner la victime. On va pour la
maintenir en vie. Nous sommes des secouristes. C'est-à-dire qu'on va arrêter le
cheminement vers la mort. Donc maintenir la personne en vie soit en arrêtant
une hémorragie soit en immobilisant une fracture et en la transportant à
l'hôpital. Maintenant pour ce qui est des soins, ce sont les hôpitaux qui font
ce qu'il faut. Concernant les incendies, c'est pareil. Nous allons pour arrêter
l'incendie.
Et
pourtant le 7 septembre aux environs de 21h, nous avons été témoin d'une scène
surréaliste au carrefour Banco dans la commune Abobo. L'ambulance de
réanimation avec à son bord vos éléments était dépourvue de tout pour secourir
un accidenté. Il n'y avait même pas de
gants à main à bord de l’ambulance. Il a fallu que des secouristes bénévoles
volent au secours de vos éléments pour donner les premiers soins.
Quelles
explications pouvez-vous donner ?
Cela m'étonne. Mais je
vais retrouver l'élément en question et l'engin.
Pourquoi
cela vous étonne-t-il mon colonel ?
Ça m'étonne parce que
nous avons le minimum. Soit c'est un élément qui n'a pas pensé ou qui a oublié
de mettre ses gants. Sinon tous les jours, les engins sont équipés en matériels
de premiers soins, en matériels de protection c'est-à-dire des gants. Ça c'est
vraiment le minimum que nous avons dans ces engins. Je suis donc étonné. Vous
pouvez même le constater tous les jours, les engins sanitaires font leur
ravitaillement au centre médical du Gspm (Groupement des sapeurs-pompiers
militaires, ndlr).
Quels
sont les produits de première nécessité qu'une ambulance doit contenir avant de
partir en intervention ?
Dans une ambulance il y
a toujours des compresses, des solutés, des gants chirurgicaux pour la protection
des agents. Il y a aussi des brancards, des artels (des accessoires pour
stabiliser un membre fracturé, ndlr).
Les
fêtes de fin d'année approchent à grands pas. Nous avons en mémoire la
bousculade meurtrière du 31 décembre 2012 au Plateau. Avez-vous les moyens pour
parer à toute éventualité lors de ces périodes de grands mouvements de foule ?
Notre métier c'est de
porter secours aux personnes en détresse. Donc, pour éviter ce genre de drame,
nous sommes prêts à parer à toute éventualité. Il y a d'autres structures qui
sont chargées d'encadrer les mouvements de foule pour éviter qu'il y ait des
bousculades. Ce sont ces structures qui font peut-être mettre des stratégies en
œuvre pour éviter ce genre de drame (bousculade du Plateau, ndlr). Nous, avec
les dernières acquisitions que nous avons eues ces temps-ci, serons en mesure
de travailler dans de bonnes conditions. En termes de logistiques, nous avons
reçu de nouvelles ambulances. Nous avons du matériel pour faire face à des
manifestations de grandes envergures. Nous sommes armés pour les fêtes de fin
d’année. Nous avons les hommes. D'ailleurs cela constitue notre première
richesse. Donc, nous sommes prêts.
Quelle
est la touche que vous avez apportée depuis votre arrivée à la tête du Gspm?
D'abord, il faut
préciser que je suis un ancien du Gspm d'où je suis parti. Mais quand je suis
revenu, il a fallu remettre un peu les choses dans l'ordre normal. Parce que
certaines habitudes avaient été prises qui tendaient à bousculer la hiérarchie.
Nous sommes une unité militaire. Pour nous la discipline qui fait la force
principale des armées doit habiter chacun de nos hommes. Sans discipline nous
ne pouvons pas faire notre métier de sapeur-pompier. Donc nous avons mis
l'accent sur l'esprit de discipline de nos hommes; le ré-encadrement des
hommes. Nous avons ensuite renforcé la formation parce que le métier de sapeur-pompier
est très professionnalisé ; il faut que les gens connaissent leur métier. Enfin,
avec l'appui de partenaires divers, nous avons acquis de nouveaux matériels.
Cela grâce au président de la République, au gouverneur du district d'Abidjan
et à bien d'autres acteurs. Nous sommes aujourd'hui assez mieux lotis qu'il y a
quelques années.
Réalisée
par Ouattara Moussa
Le lt-colonel Issa Sakho tient à la discipline au sein de sa troupe.
Photos :
Ouattara Moussa