Interview:(réalisée le
samedi 28 juin 2014)
Capitaine Koné
Hincléban, régisseur de la Maca:
«Je
sais comment la drogue entre à la Maca»
Le
régisseur de la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca), révèle que le
trafic de drogue est entretenu par certains geôliers.
Quel
est le niveau de sécurité de la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan?
Le niveau de sécurité
de la Maca est préoccupant. Dans la mesure où nous n’arrivons pas à tout
contrôler. Ce qui fait qu’on a tout le temps des problèmes liés à la sécurité
au sein de la prison. Nous n’arrivons pas à vérifier tout ce qui entre dans la
détention.
Pourquoi ?
Il y a des aspects qui
nous échappent. Certains agents se rendent complices d’actes répréhensibles.
Ils aident des détenus à se procurer des produits prohibés. Ils les cachent pour
les faire entrer dans la prison. Cela se
déroule lors des mouvements de foule. C'est-à-dire les jours de visites des
parents aux prisonniers. Ils profitent aussi, tous les jours, aux environs de
18 heures, au moment où le véhicule transportant les détenus arrive du tribunal.
Des gardes pénitentiaires exploitent ces instants pour introduire des substances
psychotropes et autres objets interdits dans
la prison. Il faut reconnaître que nous n’avons pas tout l’équipement
nécessaire pour faire le contrôle à l’entrée
du pénitencier. Les matins, il y a également des choses qui rentrent
dans les cellules. Tout cela se fait en complicité avec certains agents.
Est-ce
que des gardes ont été arrêtés et quels sont les produits prohibés qu’ils
font entrer dans la prison?
Il n’y a pas encore
d’arrestation. Cependant, nous avons des soupçons sur des agents. Des enquêtes sont
en cours pour situer les responsabilités. On continue nos investigations pour
mettre la main sur ces agents indélicats. A la suite des différentes fouilles,
nous procédons à l’ouverture d’une enquête pour déterminer les responsabilités.
Récemment, une fouille des cellules a permis de saisir 35 plaquettes de Rivotril
(substance psychotrope, Ndlr). C’est un agent qui avait tenté de faire
introduire ce produit prohibé. A ce niveau, il y a une enquête qui est
ouverte. La drogue circule. Tout ce qui
est stupéfiant, drogue et boisson alcoolisée, circule avec la complicité de
certains agents. On a essentiellement le cannabis, le chanvre indien. Cela nous
a amené à prendre d’autres mesures.
Lesquelles ?
On a un service de
fouille. J’ai mis en mission des éléments pour contrôler ce service de fouille.
Il s’agit de faire la ‘’contre fouille’’. Ils font contrôler les agents du
service de fouille. Cela nous a permis de réduire considérablement le trafic de
drogue et autres stupéfiants.
Y-a-t-il
des fouilles à l’intérieur des cellules?
Il n’y a pas de
fouilles. Depuis notre prise de fonction, on a tenté de faire des fouilles à
l’intérieur des cellules. Malheureusement, cette opération n’a pas eu lieu à
cause du refus des détenus. On a déploré des pertes en vies humaines au niveau
des prisonniers. Nous sommes obligés de nous replier.
Comment
expliquez-vous le fait que des détenus s’opposent à une opération de fouille de
cellules ?
Ce jour, nous avons
mobilisé plus de 700 hommes, tous corps confondus, pour faire cette fouille. Pour
éviter un carnage, on a été obligé d’arrêter l’opération. On avait les moyens,
mais on a voulu préserver les vies humaines eu égard aux tensions que cette
situation avait créées. Il y a eu des
tirs pour éviter un affrontement de justesse. On a décidé de mettre fin à
l’opération.
Nous
avons recueilli des témoignages, le 18 juin dernier, faisant état de détenus
possédant des téléphones portables.
Est-ce que cela est normal?
Ce n’est pas normal. Il
est interdit qu’un détenu possède un téléphone portable. Les textes sont clairs
sur ce sujet. Nous sommes en train de lutter contre ces pratiques. Cette
situation nous a conduit à faire récemment des fouilles au niveau du greffe.
Quant on voit un détenu avec un téléphone, on le confisque. Mais à l’intérieur
des cellules, c’est un peu difficile car cela peut provoquer des affrontements
entre les prisonniers et les gardes. Des cellulaires ont été saisis que nous
avons acheminés à la direction de l’administration pénitentiaire. On est en
train de mettre en place un système de brouillage, concernant les
communications téléphoniques, à l’intérieur de la prison. L’objectif est de
faire en sorte que les téléphones portables ne puissent pas fonctionner au sein
de la maison pénitentiaire.
Qu’est-ce
que le portique de sécurité en construction va changer dans le système de
sécurité de la Maca?
Le portique de sécurité
va nous permettre de voir tout ce qui entre dans la détention. A savoir la
drogue, les stupéfiants, les objets et tous les produits prohibés. Il y a aussi
les armes. Parce qu’à l’intérieur, des détenus possèdent des armes blanches
telles que les couteaux, les objets pointus. Grâce au portique, nous
parviendrons à mettre la main sur ces armes. Les contrôles au scanner des
colis, des véhicules et des personnes vont permettre de renforcer la sécurité
dans les alentours et au sein de la Maca. Le poste de contrôle sera animé
uniquement par des équipages de trois agents. Ces derniers sont en formation
pour maîtriser les outils et le système de fonctionnement du portique. Ce sont
des agents de bonne moralité. On a prévu faire une rotation au niveau des
équipages de surveillance. L’objectif est d’éviter au maximum la corruption.
A
partir de quand le portique sera-t-il fonctionnel?
Les travaux font durer
trois mois. Ils ont commencé il y a déjà 45 jours et donc le délai de livraison
est prévu pour fin août. Si tout se passe bien, le portique sera livré en août.
Nous remercions le directeur de l’administration pénitentiaire et le garde des
sceaux, ministre la Justice, des droits de l’homme et des libertés publiques
pour avoir lancé les travaux de construction de ce portique de sécurité. En
plus des moyens classiques de contrôle, cet outil va nous aider énormément dans
la surveillance de tout ce qui entre et sort de la prison.
Pourquoi
le transfèrement des détenus vers le Camp pénal de Bouaké n’est pas encore
effectif?
Nous n’avons pas encore
faire de programmation dans ce sens. Mais on est en train d’étudier avec la
hiérarchie les possibilités d’un transfèrement de détenus de la Maca vers le Camp
pénal de Bouaké. Déjà la direction de l’administration pénitentiaire nous a
demandé de faire une liste de 200 prisonniers pour les faire partir au Camp
pénal.
Coulibaly
Yacou alias Yacou le Chinois fera-t-il partie des prisonniers qui seront
transférés ?
Pour l’instant, il ne
fait pas partie de ceux qui doivent être transférés au Camp pénal. Nous sommes
en train d’étudier le cas.
Mais
il nous revient qu’il bénéficie de traitement particulier. Est-ce vrai?
Il a le même traitement
que les autres détenus. Nous pensons qu’avec son appui, nous pourrons faire
sortir les 200 détenus qui seront transférés au Camp pénal. En ce qui concerne
Yacou le Chinois, c’est la direction de l’administration pénitentiaire qui va
décider de son transfèrement ou non au Camp pénal. A mon niveau, il n’y a pas
grand-chose le concernant.
Quelle
est la date exacte du transfert de ces 200 détenus au Camp pénal ?
Nous n’avons pas encore
la liste définitive. On n’a pas encore arrêté totalement cette liste. Nous nous
attelons à dresser la liste des personnes qui devront être transférées, le mois
prochain (en juillet, Ndlr) au Camp
pénal.
Réalisée
par Ouattara Moussa
Leg :
D’après le régisseur de la Maca, des enquêtes sont en cours pour arrêter les
geôliers impliqués dans le trafic de drogue.
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