Interview
Secours à victime, incendies, …. / Colonel Issa Sahko,
commandant du Gspm :
«Deux corps de pompiers
ne peuvent pas fonctionner ensemble…»
Selon le patron du
Groupement des sapeurs-pompiers militaires (Gspm) deux corps de pompiers ne
peuvent pas fonctionner ensemble sur une même sphère géographique. Pour lui,
cela ne se fait nulle part.
On assiste depuis quelques semaines à des inondations et des
éboulements à la suite des pluies diluviennes qui s’abattent sur Abidjan.
Pouvez-vous dresser un bilan partiel de ces sinistres?
Il faut dire que depuis le début des pluies diluviennes sur
la ville d’Abidjan nous avons enregistré deux phases assez critiques. La
première s’est déroulée du 5 au 19 juin. Et la deuxième du 26 au 30 juin. Entre les deux phases il y a une certaine
accalmie. Au cours de la première période, il y a eu énormément d’éboulements
et d’effondrements dans la zone de Mossikro, de Boribana (Attécoubé, ndlr). Il y a eu des inondations
à Bonoumin (Cocody, ndlr). Malheureusement au cours de cette première phase, il
y a eu de nombreuses personnes décédées. On a enregistré 21 victimes qui sont
décédées. Pendant ces opérations, nous avons transporté dans les hôpitaux 41
personnes. De nombreuses autres personnes ont été mises en sécurité. Elles ont
pu regagner des familles ailleurs. La seconde phase, heureusement, n’a pas
enregistré de pertes en vies humaines. Mais on a noté de nombreux dégâts
matériels. C’était essentiellement des inondations du jeudi 21 juin au lundi 30
juin à Bonoumin, à la Palmeraie et à la Djibi (Cocody). Nous avons enregistré
dans ces quartiers une très forte montée des eaux. De nombreux sinistrés ont
été mis en sécurité par notre personnel. Nous avons été alertés dans certaines
zones d’Abidjan où des bâtiments R+3 étaient sous les eaux. Notamment à Abobo
où un immeuble R+3 était carrément sous deux mètres d’eau. Mais les résidents
de l’immeuble ont refusé de quitter les lieux. On ne peut pas les y obliger.
Nous n’avons pas ce pouvoir. On les a laissés à la disposition de la police.
Comment se déroule une intervention en cas d’inondation ou
d’éboulement ?
Lorsqu’il y a des inondations notre intervention se présente sur deux phases. Dans un premier temps, il
s’agit pour nous de mettre en sécurité les personnes qui sont menacées de noyade.
Parce que les inondations vont de paire avec les noyades. Ces personnes sont soit
bloquées dans des maisons, soit refugiées sur des dalles d’immeubles. Il faut
les sortir pour les amener vers une zone sécurisée. C’est ce que fait notre
personnel. Une fois hors de danger, ces personnes doivent trouver des lieux pour
s’abriter. Pour le second cas, lorsque l’inondation menace la structure, cela
est vraiment exceptionnel, nous procédons à un épuisement de l’eau de la zone
après avoir dégagé toutes les personnes menacées.
Un corps de sapeurs-pompiers civils vient d’être créé.
Comment va se faire la collaboration sur le terrain ?
Pour l’instant, la collaboration entre les pompiers civils et
nous n’est pas définie. Néanmoins, je peux donner un avis. Moi, je pense qu’il
faut déterminer les compétences et les
responsabilités de chaque structure. Parce que nous dépendons de l’état-major
général avant d’être mis à la disposition du ministère de l’Intérieur qui a en
charge la protection des personnes. Donc, nous sommes des militaires. Nous
avons des sphères de compétences. Aujourd’hui, nous sommes implantés à Abidjan,
à Yamoussoukro, à Bouaké et à Korhogo. Je
pense que deux corps de pompiers ne peuvent pas fonctionner ensemble dans un
département. D’ailleurs, ça ne se fait nulle part.
Soyez plus explicite.
C'est-à-dire qu’Abidjan on ne peut avoir une structure
organisée de pompiers militaires et une autre structure de pompiers. Ce n’est pas compatible sur le même territoire. Cependant, cela n’exclut pas des appuis
mutuels. Les pompiers civils qui sont dans un département voisin s’ils ont
besoin d’un appui pendant une intervention particulière et que nous avons les
moyens de cet appui alors nous allons les soutenir. Si le Gspm est dans une
sphère géographique particulière et qu’il a besoin d’appui de pompiers civils
qui sont dans un département voisin, alors ils peuvent nous prêter main. Dans
tous les cas, des appuis mutuels sont possibles.
Il existe trois compagnies du Gspm pour secourir cinq millions
d’abidjanais. De qui relève l’implantation d’autres casernes dans la capitale économique?
C’est à la fois l’Etat et les collectivités territoriales.
Selon les textes portant création du Gspm, notre fonctionnement est à 50% à la
charge des collectivités territoriales, et à 50% pour l’Etat. La réalité c’est
que seul l’Etat nous permet de fonctionner avec un appui considérable du
district d’Abidjan.
Entre créer de nouvelles casernes et renforcer en équipements
les compagnies existantes. Quelle est la solution appropriée pour améliorer
l’efficacité des secours à Abidjan ?
L’un ne va pas sans l’autre. Même si on équipe suffisamment
les trois casernes de la capitale économique, cela va toujours laisser le
problème de distance. C’est vrai il faut renforcer les compagnies existantes,
mais il faut créer d’autres casernes. L’idéal serait que chaque commune du
district d’Abidjan puisse avoir une caserne des sapeurs-pompiers. Cela
permettra à nos équipes d’être présentes plus rapidement sur les sinistres. Il
est vrai que nos matériels coûtent excessivement chères. Figurez-vous, un
camion citerne incendie coûte au moins 400 millions Fcfa. Ce sont des efforts
qu’il faut faire. On ne peut pas s’en passer.
Quel est le point des engins dont vous disposez ?
Concernant les moyens du Gspm, il faut dire qu’au lendemain
de la crise postélectorale nous étions totalement dépouillés. Nos casernes ont
été visitées. A Abidjan, à cette période, il ne restait qu’une seule ambulance
et à peine un engin d’incendie. Nous avons pu remettre en état certains engins
qui avaient été vandalisés. Nous avons eu la chance d’obtenir un don du
président de la République en 2013. Ce don nous a apporté une bouffée
d’oxygène. Aujourd’hui, pour les besoins de la population, cet équipement s’avère
insuffisant. La plupart de nos engins sont vieillissants. Chaque sortie exige
une remise en condition qui est lourde et coûteuse. Malgré cela, nous avons
tout fait pour que chaque compagnie possède au moins un engin incendie et deux
ambulances. Si le matériel devenait plus conséquent, alors nos rendements
seront plus conséquents.
De façon spécifique, qu’est-ce qui a motivé l’entrée de
femmes au sein du corps du Groupement des sapeurs-pompiers militaires (Gsmp) ?
Il n’y a pas de motivation particulière. Il y a toujours eu
des femmes dans l’armée de Côte d’Ivoire. Au Gspm, je pense que les femmes ont
leur place comme partout. Nous avons eu des femmes tout le temps. Mais elles
étaient essentiellement des médecins. Il n’y avait pas de femme dans l’activité
opérationnelle. Depuis un certains temps, puisque le nombre de femmes
augmentent partout au sein de l’armée, le Gspm a reçu du personnel féminin.
Elles travaillent comme leurs collègues masculins.
Combien sont-elles et quelles tâches accomplissent-elles?
Nous avons 25 femmes reparties dans toutes les casernes.
Elles assurent le service au même titre que leurs collègues hommes du même
grade. Généralement, ce sont des femmes du grade de caporal, de sapeur de 1ère
classe. Elles ont des diplômes équivalents aux grades qu’elles portent. Elles
assurent les fonctions dévolues aux grades qu’elles ont.
En septembre prochain,
vous allez commérer les 40 ans d’existence du Gspm. Qu’est-ce que cela
représente pour vous ?
Pour nous, ces 40 ans, c’est l’occasion d’exprimer notre
maturité à travers divers événements. Cela fait 40 ans que le Gspm existe. Cela
représente 40 ans au service de la nation. Nous n’avons pas cessé d’apporter
notre concours comme le stipule notre décret de création (décret numéro 74-202
du 30 mai 1974, ndlr) où il s’agit d’apporter assistance et secours aux personnes
et aux biens à l’occasion des événements qui nécessitent la mise en œuvre de
nos moyens. Donc, pendant 40 ans nuit et jour nous avons rempli cette mission.
C’est l’occasion pendant ces célébrations de nous arrêter pour faire le bilan
de nos activités et envisager les nouvelles perspectives.
Réalisée par Ouattara
Moussa
Lég : Le colonel
Issa Sahko invite la population à donner les bonnes informations aux pompiers.
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