lundi 3 mars 2014

Reportage Réinsertion socioprofessionnelle Saliakro: La dernière chance des détenus

Reportage  

Réinsertion socioprofessionnelle

Saliakro: La dernière chance des détenus

Avant l’ouverture officielle de la maison de correction de Saliakro, située à 260 kilomètres de la capitale économique ivoirienne, dans la région du N’Zi-Comoé, nous nous sommes rendu sur ce site, le samedi 8 février, pour rencontrer les premiers détenus. Ces derniers ont accepté volontiers de nous faire des confidences sur les nombreuses opportunités économiques qui s’offrent à eux dans cette prison atypique.

Diallo Tiémoko n’est pas marqué au fer rouge. C’est un prisonnier, mais il est libre de tout mouvement sur un territoire déterminé. L’homme affiche bonne mine. Il est joyeux à l’ouvrage. Chaussé d’une paire de bottes verte et habillé dans sa combinaison bleue portant le numéro 21, il tient en main une machette. Il taillade les herbes en compagnie de ses codétenus. Il essuie régulièrement la sueur de son front. Lui dont la vie a basculé un jour du mois de janvier dernier, lorsqu’il a été arrêté, jugé et condamné par le juge de Soubré à six mois de prison ferme pour les faits d’exploitation illégale d’une mine d’or. Nous sommes, ce 8 février, au champ pénitentiaire de Saliakro, situé à 260 kilomètres de la capitale économique et à 18 kilomètres de Dimbokro, dans la région du N’Zi-Comoé. Les rayons  solaires sont au rendez-vous. Dimbokro et ses environs n’ont pas trahi leur réputation de zone caniculaire. Ce samedi, c’est la demi-journée de travail. Il est 10 heures 30 minutes. La journée va prendre fin dans une heure et demie. Tiémoko et ses camarades nettoient une parcelle située entre leur dortoir et le bâtiment affecté à l’élevage de cochons. Une colonie de  porcs s’y trouve déjà. Tiémoko ne cache pas sa joie, après son transfèrement, le 25 janvier dernier, de la prison de Soubré à la maison de correction de Saliakro. Entre deux coups de machette, il nous explique que les conditions de détention au pénitencier de la cité du "Nawa" sont exécrables. «Là-bas, ce n'était pas facile. On est enfermé tout le temps. On ne mange pas normalement ; on nous servait rarement deux repas par jour. Les conditions d’hygiène étaient misérables. En résumé, on vivait très mal à la prison de Soubré », se rappelle notre interlocuteur, père de trois enfants. Certainement pour son comportement exemplaire, cet homme de 39 ans a été désigné par ses pairs comme le "chef de village" de Saliakro. «Mes amis m'ont fait confiance en me désignant comme leur chef. C'est une marque de considération », se félicite-t-il, en mettant à profit ce statut de leader pour organiser le travail selon les instructions du régisseur, Ouattara Pinguéssié. Cet administrateur de prison est un homme robuste, de teint noir. Ancien soldat de la Garde républicaine(Gr) sous l’ère du président Félix Houphouët-Boigny, il impose respect et considération. Il marque son territoire dans la mesure où les vingt-quatre détenus placés sous son autorité appliquent à la lettre ses consignes. «Nous travaillons ensemble.  Il n’y a pas de problème car chacun sait ce qu’il doit faire. On nettoie les différentes parcelles. On doit  planter du manioc et semer de l'haricot et du maïs. Nous commençons le travail, le matin. On prend une pause à midi, après avoir mangé. Le travail reprend l'après-midi pour se terminer vers 17 heures. Nous n'avons pas de problèmes au niveau de l'alimentation. Il y a un infirmier qui s'occupe de notre santé. Nous recevons les médicaments en cas de besoin. On travaille dans une bonne ambiance. Ici, on est libre. On mange bien. On a droit aux trois repas quotidiens», apprécie-t-il, en promettant qu’à la fin de son séjour à Saliakro, il compte s’installer pour faire de l’élevage de lapins. 

«Ici, on est libre»

Eparpillés  sur toute la surface à défricher, les pensionnaires de la ferme agro-pastorale dont l’ouverture officielle par le ministre de la Justice, Mamadou Gnénéma Couliably, est annoncée dans les prochains mois, débroussaillent le terrain sur lequel il est prévu de semer du maïs et du haricot. Les détenus à la tâche poussent  des cris « Ouahou! » « Ouahou ! » « Ouahou ! »  pour se galvaniser. C’est dans cette ambiance  de saine compétition que Kouamé Ahou François accepte de se confier à nous. Lui aussi était incarcéré à la maison d’arrêt et de correction de Soubré. Selon lui, il a vécu le même enfer que Tiémoko. Condamné à douze mois de réclusion pour avoir abattu des plants dans une forêt classée de Soubré, le jeune homme de 28 ans considère Saliakro comme une occasion unique pour repartir du bon pied dans la vie. «C'est une chance qui s'offre à moi. J'ai compris cela et je vais la saisir pour redémarrer et reconstruire mon avenir. Ici on est libre. On a la liberté de mouvement ; on est dehors ; on respire l’air de la liberté, à la différence des autres détenus enfermés dans les différentes prisons. En plus, j’apprends les techniques agricoles. On  fait de l'élevage de porcs, de lapins et de la volaille, celui notamment de canards et de poulets. Nous apprenons directement ; c'est pratique », se réjouit-il,  tout en regrettant son acte qui l'a conduit derrière les barreaux. Comme on le dit, à quelque chose malheureux est bon, commente-t-il. « Cela fait à peine un mois que je suis arrivé ici. J'ai appris beaucoup de choses, en si peu de temps. En plus du métier d’agriculteur, j’ai ajouté une seconde corde à mon arc: j’ai appris et je continue d’apprendre comment faire de l'élevage.  Nous apprenons les techniques pour bien produire en quantité et en qualité. A ma sortie d’ici, je souhaite que l'Etat m’aide à  créer ma ferme.  Nous ne sommes pas  coupés de nos parents. Le régisseur et les gardes nous autorisent à communiquer souvent au téléphone avec nos proches. Cela est une bonne chose », approuve notre interlocuteur qui nous demande l’heure. «Il est 11 heures », lui indiquons-nous. Il faut encore tenir durant une heure, avant midi. Un troupeau de canards est couché à l’ombre du bâtiment faisant face au poste de police. Certains de ces palmipèdes déploient leurs grandes ailes, comme pour montrer leur embonpoint. D’autres se frottent entre eux, en se faisant des câlins. Ce ballet fantastique est rythmé par des chants d’oiseaux. Quelquefois, le bruit métallique du moteur d’un train passant non loin en rajoute à la symphonie de chants. Pendant que la locomotive  passe  devant l’entrée principale du pénitencier de Saliakro, les bagnards travaillent tranquillement. Ils sont encadrés par le lieutenant Yanla Bi Tié Sylvain, régisseur adjoint, l’adjudant-chef major Touré M’Begnan, responsable de la sécurité et l’adjudant Kouadio N’Goran, chef de la production. Les "apprenants’’ (autre appellation des pensionnaires de Saliakro), redoublent  d’efforts. Ils avalent la dizaine de mètres carrés de terrain, à qui mieux mieux. Pendant ce temps, nous faisons le tour de l’établissement. De la porcherie abritant une colonie de cochons dont trois truies, en passant par la buanderie, le garage où l’on aperçoit un tracteur et un motoculteur fonctionnels et la cuisine. Là-bas, le sergent Konan Jean-Claude est le responsable de la cuisine des détenus. Aidé par deux autres prisonniers, à savoir Henri Koffi Benjamin et Sangaré Souleymane, le sous-officier s’affaire autour de deux grosses marmites déposées sur deux foyers construits en terre cuite. Ici, on utilise le bois de chauffage pour faire la cuisine. A notre demande, il nous fait découvrir le menu du jour composé de pâte de maïs bouillie à la sauce arachide. «Ça va être prêt dans une trentaine de minutes», nous assure-t-il, en énumérant les ingrédients. « On a mis de la tomate, de la poudre de gombo, de l’huile, du poisson fumée. On a assaisonné avec du cube Maggi », détaille le sergent Konan. Selon lui, pour nourrir les vingt-quatre pensionnaires, il utilise en fonction du menu du jour dix-neuf kilogrammes de maïs, vingt kilogrammes de riz et quatre kilogrammes de riz local pour la bouillie prévue pour le petit-déjeuner. «On prépare une bonne fois. On divise la nourriture en deux. Une partie est réservée pour le déjeuner et l’autre pour le dîner. Ici, nous donnons aux prisonniers trois repas quotidiens.    Ce qui n’est pas le cas dans les prisons ordinaires. On prépare du riz accompagné de sauce. On fait aussi du riz au gras. On cuisine également de l’haricot. C’est un aliment riche en colorie. C’est dire que le menu est varié et équilibré», s’enorgueillit le sergent Konan. A part lui, deux dames tiennent la cantine réservée aux vingt-cinq gardes pénitentiaires.

Une prison en milieu ouvert

De notre position, nous observons les détenus à la tâche. Le temps du déjeuner fixé à 12 heures approche à grands pas. Le régisseur adjoint nous fait un signe de la main pour dire que la journée de travail tire à sa fin. Nous abandonnons les cuisiniers pour rejoindre la troupe. Elle forme une haie en quittant la parcelle défrichée pour retrouver les dortoirs séparés des autres bâtiments par une grille métallique. Les pensionnaires se dirigent vers les toilettes pour se laver les mains. Doumbia Mory, 38 ans, condamné à six mois de prison par le juge de Daloa, père de cinq enfants, est fier d’avoir rempli sa journée de samedi.  Pour le réparateur de bobines électriques devenu orpailleur clandestin, une voie royale s’ouvre à lui. «Ce que nous apprenons ici depuis notre arrivée est très important. Mes amis et moi nous sommes investis dans ces programmes car ils vont nous aider à nous réinsérer dans la vie socioprofessionnelle. Moi, je me donne à fond parce que je ne veux plus retourner au fond du creux », promet le sieur Doumbia. Il court chercher son assiette pour se faire servir son plat. Transféré le 10 janvier de la prison de Bongouanou, située à 49 kilomètres de Dimbokro, Konan Koffi Charles, 34 ans, pépiniériste de formation, n’est visiblement pas pressé. Il prend son temps pour nous raconter les raisons de son incarcération. Il est  le seul handicapé moteur du pied droit  parmi les apprenants de Saliakro.  «J'ai été reconnu coupable des faits d'escroquerie. J'ai escroqué la somme de 180.000FCfa. J'ai été condamné à six mois de prison. Je suis arrivé ici depuis le 10 janvier. Je suis à l'aise ; je suis libre. Tout va bien. On a droit aux soins médicaux. Il y a un infirmier et un médecin qui s'occupent de nous. C'est grandement différent de la prison de Bongouanou. Là-bas, c'est un gros trou de rats. (…) Ici, compte tenu de mon handicap,  le régisseur  m'a affecté à l'infirmerie. J'aide l'infirmier au cas où l'un de mes amis se blesse avec sa machette ou tout autre objet. Je fais aussi l'entretien du bureau du régisseur et des locaux des gardes. J’apprends également l'élevage de lapins », affirme notre interlocuteur. Toutefois, ses camarades et lui souhaitent avoir un poste téléviseur et une radio pour, disent-ils, s’informer. Très prolixe, Koffi Charles nous explique aussi ce qu’il veut faire à la fin de sa peine. « Des opportunités sont offertes à nous dans le cadre de notre réinsertion. Je voudrais remercier le ministre de la Justice et les autorités de l'administration pénitentiaire pour ce projet novateur. Le régisseur de Saliakro ne ménage aucun effort pour nous mettre dans les meilleures conditions. Lorsque je vais sortir d’ici, je vais pratiquer de l'élevage de lapins. Je vais créer une ferme à Daoukro pour repartir de plus belle. Vous savez, l'oisiveté est la mère de tous les vices. Donc, l'Etat doit faire en sorte que nous puissions bénéficier de moyens pour nous installer », plaide-t-il.
Assis devant leurs dortoirs, les détenus mangent à cœur joie. Pendant que ses camarades déguisent leurs plats, Ouattara Issa nous invite à découvrir leurs chambres. Tenant en main son assiette, il indique des lits individuels superposés sur lesquels sont déposés des matelas, dans ces chambres. Des moustiquaires y sont installées, de même que des armoires métalliques individuelles contiennent les tenues des prisonniers. Un jeu de ludo est déposé sur le matelas de Konan Koffi Charles. Un peu plus loin, il y a un damier dont les pions sont disposés pêle-mêle. « On se distrait avec le jeu de ludo ou de dame», apprécie Issa. Le bâtiment a été divisé en deux compartiments. Ils sont repartis en groupe de dix-sept par compartiment.  Issa, l’un des premiers pensionnaires transféré le 5 octobre du pénitencier de Bondoukou,  ne cesse de parler du plaisir qu’il tire de la formation reçue à la ferme agro-pastorale. «Ici, on apprend un métier; on est occupé à faire quelque chose. On participe à la vie de la communauté. On apporte quelque chose chaque jour. C'est gratifiant! Ici, il y a des opportunités pour nous. Nous sommes conscients de cela. Nous prenons au sérieux ce que nous faisons. Nous travaillons ensemble avec des temps  de repos. (…). Je suis intéressé par l'élevage de volaille. C’est ce que je veux faire. La prison, ce n'est pas bon. Mais ici, je peux dire que la prison est une bonne chose car elle m'a permis d'apprendre des choses utiles pour moi et la société.  C'est une bonne initiative car elle répond à la question de la réinsertion socioprofessionnelle des prisonniers. Quand vous allez en prison et que vous ressortez, les gens ont un autre regard sur vous. Je pense qu’avec ce projet, les mentalités vont changer. En prison, on apprend un métier. Moi, j'ai pris l'engagement de changer», rassure le forgeron de 32 ans mis sous les verrous pour douze mois. Il a été déclaré coupable des faits de recel d’une batterie dérobée.
Si Ouattara Issa et les autres apprenants veulent s’installer après avoir purgé leur punition, ce n’est pas le cas pour Yao Eric, 35 ans et Yao Kouadio Claude, 40 ans. Tous les deux ont été condamnés à six mois de réclusion pour braconnage, dans une réserve de Soubré. Ils veulent rester à Saliakro à la fin de leurs peines. «On travaille. On mange. On dort bien. On a droit au respect du régisseur et des surveillants. Nous souhaitons rester à la prison de Saliakro après avoir purgé notre peine. Nous voulons continuer de produire dans les champs. Nous souhaitons que le régisseur accepte de nous garder ici. Cela nous fera énormément plaisir », plaident en chœur Eric et Claude.  

Une devise: discipline et respect

Selon Ouattara Pinguessié, le patron de la prison de Saliakro, qui a pris fonction en octobre dernier, le pénitencier c'est une maison qui ne reçoit que des condamnés dont la peine n'excède pas un an. C'est une prison en milieu ouvert, clarifie-t-il. «Les personnes sont libres de leur mouvement. Elles sont encadrées par des agents pénitentiaires. Ceux-ci ont pour vocation de les encadrer pendant toute la durée des activités qu'elles auront à mener ici à  Saliakro. C'est un établissement qui a une mission de rééducation et de réinsertion des détenus. Il s'agit essentiellement des activités agro-pastorales. Ces détenus condamnés d'une peine allant de zéro à un an, sont admis ici pour apprendre les métiers de l'agriculture et de l'élevage. Il est question pour eux de pouvoir se réinsérer dans la société à la fin de leur peine», explique l’ancien soldat de la Gr, qui n’a pas perdu les reflexes du bon militaire. Ainsi met-il un point d’honneur à faire observer la discipline dans cet établissement. A la question de savoir ce qui le conforte que ses détenus, quoi que ‘’libres  de tout mouvement’’ ne sont  pas tentés de s’évader,  M. Ouattara se veut rassurant. «C'est la confiance placée en eux. Il y a aussi la manière dont nous les gérons ici, à Saliakro. Nous les recevons avec toute l'attention et le respect dont un être humain a droit. Nous nous entretenons avec eux. La particularité de Saliakro c'est que c’est une prison en milieu ouvert. Les détenus ont une cour. Ils sont libres de mouvement. Ils prennent les trois repas quotidiens. Ils se lavent correctement. Ils sont soignés en cas de maladie. Ils dorment sur des lits. Ils ont droit à toutes les commodités. Donc, le risque d’évasion est mince. Toutefois, nous gardons les yeux ouverts sur eux », souligne l’ancien régisseur de la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca). Et d’ajouter: « En principe, il devait avoir des agents sociaux pour s'occuper de leur suivi, malheureusement, nous n'avons pas encore reçu d'agents. Nous avons manifesté le désir, en adressant un courrier à la direction des services judiciaires pour nous affecter du personnel social. Jusque-là nous attendons leur arrivée. Ce sont les agents sociaux qui doivent suivre normalement les détenus sur le plan social, dans cette maison de correction. Surtout qu'il s'agit de leur réinsertion. Il y a certains prisonniers, du fait de leur comportement, ils  ont été rejetés par leurs familles. Nous les avons récupérés à Saliakro. Mais ils ont bien envie de retourner en famille. Toutefois, leurs parents ne veulent plus les recevoir. Pendant le temps qu'ils sont ici, il faut bien que des gens puissent rétablir ces liens familiaux.»

La menace du rhinocéros 

Il faut dire que Saliakro n’est pas un eldorado où tout n’est que rose. Pour preuve, le régisseur et son personnel sont confrontés à un certain nombre de difficultés. « Les difficultés sont énormes. Il faut retenir que c'est un nouveau centre. On vient de le réhabiliter. Il a ouvert en octobre dernier. La principale difficulté c'est le logement des agents sur le site. Ensuite, on a un problème d'éclairage. Nous sommes alimentés par une énergie solaire. Il y a certains appareils que nous ne pouvons pas utiliser ici tels que les climatiseurs. L'électricité que nous avons ne peut pas être utilisée 24 heures sur 24 au risque de voir la batterie se décharger. Au niveau de l'exploitation du site, il y a une bonne partie qui est occupée par des clandestins. Ce sont des bouviers avec leurs animaux, qui se sont installés sur une partie du site. Cela va créer un  problème car nous allons produire du vivrier. La cohabitation sera difficile avec les bœufs. Il faut les faire sortir du site», exige l’administrateur du pénitencier. Le problème de la qualité de l’eau est une autre préoccupation pour M. Ouattara. «Nous avons un vieux château d'eau. Il doit être entretenu. Il faut changer les tuyaux et d'autres pièces atteints par la rouille. Les travaux de réhabilitation n'ont pas été correctement exécutés. Il faut rattraper ces erreurs. Une autre difficulté majeure, c'est celle du transfèrement des détenus vers Saliakro. Pour preuve. Nous étions, le 25 janvier, à Soubré pour faire venir des prisonniers. Il s'est posé un problème de véhicule. En principe, ce sont les régisseurs qui doivent nous acheminer les détenus. Ce n'est pas nous qui devons aller les chercher. Il se trouve que c'est nous qui partons chercher les prisonniers. Ce qui n'est pas normal. On a pu réceptionner les détenus venus de Bondoukou, d'Abengourou, de Bongouanou et de Soubré. Cela n'a pas été possible pour Daloa et Korhogo. Les régisseurs posent le problème de moyen logistique, c'est-à-dire de véhicules, pour transférer les détenus », déplore le gérant  de la maison de correction.  A cette longue liste de préoccupations, s’ajoute celle de la présence encombrante d’un rhinocéros sur le site. A en croire notre interlocuteur, l’animal  a détruit, nuitamment, une partie la clôture, du côté de Tiémélékro. La ferme étant limitée à l’ouest par le fleuve N’Zi, c’est dans ce cours d’eau que ce rhinocéros se baigne.  « Nous n'avons pas encore trouvé de solution. Nous pensons qu'à la suite du regroupement des éléphants de Daloa, il faut profiter pour prendre ce rhinocéros qui nous crée d'énormes problèmes. Il est seul ; sa présence ce site est un danger. Le ministère des Eaux et forêts doit organiser un plan d'évacuation de cet animal », plaide le régisseur, en indiquant que cette ferme  agro-pastorale s’inscrit dans la durée. « Il est question de voir à partir du champ pénitentiaire de Saliakro que certains prisonniers peuvent s'amender en vue de se réinsérer dans le tissu social. Après cette promotion, Saliakro ne fermera pas. On continue de recruter. Cette maison de correction va fonctionner. Il est question de créer d'autres centres de ce type », révèle-t-il. Il est 15 heures 30 minutes lorsque nous quittons Saliakro dans l’espoir d’y retourner dans les mois à venir.  

Qui finance le projet?
Interrogé le 10 février à Abidjan, Ouata Babacar, directeur de l’administration pénitentiaire (Dap), argumente pour dire que  la création de  la ferme agro-pastorale de Saliakro répond à trois préoccupations. Selon lui,  il est question de former les détenus au métier de l’agriculture et de l’élevage.  Ensuite, le patron des trente-trois prisons que compte le pays, ajoute qu’il s’agit de constituer une réserve alimentaire pour nourrir les pensionnaires des autres maisons pénitentiaires. «Ils seront alimentés à partir ce qui est produit du champ pénitentiaire de Saliakro. Il y a le maïs, l’haricot, le manioc, les produits maraîchers et les produits de l’élevage », énumère-t-il. Enfin, le Dap souligne que sur le long terme « nous devons avoir une autonomie financière grâce à la vente du surplus produit dans ce champ pénitentiaire. C’est une gestion collective et participative. Nous avons impliqué les autorités administratives et les collectivités locales de Dimbokro.», précise-t-il. Selon M. Ouata, l’Union européenne, à travers l’Organisation non-gouvernementale (Ong) "Prisonniers sans frontières (Psf)", a signé en mai 2012, un accord de partenariat (le montant n’a pas été communiqué) avec le ministère de la Justice. C’est donc un contrat entre le ministère de la Justice représenté par la direction de l’administration pénitentiaire et cette Ong, précise notre interlocuteur. D’après lui, la durée du contrat est de trois ans non renouvelables. «Après les trois ans, l’Etat par truchement de la direction de l’administration pénitentiaire va reprendre en main la gestion de la ferme agro-pastorale de Saliakro. Nous sommes condamnés à réussir Saliakro, car c’est une expérience porteuse d’espoir dans le cadre de la réinsertion socioprofessionnelle des détenus une fois sortis de prison. Nous nous donnons les moyens pour réussir cette mission passionnante. Nous devons réussir et nous allons réussir Saliakro», certifie le directeur de l’administration pénitentiaire.   


Ouattara Moussa, envoyé spécial à Saliakro (Dimbokro).





 Encadré 1 : Fiche d’identité de la prison de Saliakro

Date de la création: Mai 2012

Nom: Ferme agro-pastorale de Saliakro en hommage au régisseur de la maison d’arrêt et de correction de Dimbokro, Ouattara Salia. Cet administrateur de prison est décédé accidentellement en 2007. Fait marquant, il se rendait sur le site qui était précédemment un camp de jeunesse créeé en 1973.   

Situation géographie : Le site est situé à 18 kilomètres de Dimbokro, côté  est, et il est limité à l’ouest par le fleuve "N’Zi", du côté de Tiémélékro

Superficie: 450 hectares   

Capacité d’accueil: 150 places avec 21 bâtiments
Ressources humaines : 25 gardes pénitentiaires dont trois lieutenants  et 22 sous-officiers, pour 24 détenus ; soit un agent pour un prisonnier.
Moyens logistiques: Un véhicule de transport de troupe
Moyens de défense: Top secret

OM, envoyé spécial à Saliakro (Dimbokro)


Encadré 2 : Les conditions d’admission à la ferme agro-pastorale

Selon le régisseur de Saliakro, les détenus sont recrutés à travers les trente-trois prisons que compte le pays. «  (…) Cela  se fait à partir d'une commission installée par la cellule. Qui est, elle-même, rattachée au cabinet du  ministre de la Justice. C’est cette cellule qui a en charge le suivi de ce projet. La commission siège. Elle choisit les détenus qui remplissent les conditions sur présentation des différentes listes envoyées par les administrateurs des prisons. Ce sont des détenus condamnés d'une peine allant de zéro à un an. Ceux-ci ont été mis sous les verrous pour des délits mineurs.  Ils sont admis ici pour apprendre les métiers de l'agriculture et de l'élevage. Il est question pour eux de pouvoir se réinsérer dans la société à la fin de leur peine», renseigne M. Ouattara.  Après cela, poursuit-il, la commission nous communique les noms des prisonniers retenus pour être admis au champ pénitencier de Saliakro. Toujours selon notre interlocuteur, elle envoie des copies aux différents régisseurs des établissements qui ont été retenus. Ces derniers ont pour mission  de convoyer vers Saliakro les détenus sélectionnés. «Quand ces pensionnaires arrivent ici, nous les recevons. Nous les logeons. Nous les gardons. Il y a un exploitant agricole qui a été désigné. C'est ce dernier qui s'occupe du volet formation agricole. Nous, on s'occupe de la garde, de la surveillance et du suivi des prisonniers. L'exploitant agricole s'occupe de l'exploitation de la ferme. Quand il a besoin d'un nombre de détenus, il nous fait la demande. Nous mettons à sa disposition ces prisonniers. Ils vont travailler avec lui. Et après le travail, les détenus sont réintégrés. Nous ne décidons rien en matière agricole. C'est l'exploitant qui définit les sites et le type de cultures. Notre mission, c'est de recevoir les détenus. Nous devons les suivre pendant les activités agricoles. Nous les nourrissons. On les soigne. On les loge », soutient le patron de la prison de Saliakro.

OM, envoyé spécial à Saliakro (Dimbokro)


 Lég 1: Les détenus en train de défricher une parcelle pour semer du maïs…

Lég 2 :…après avoir écouté les consignes de sécurité données par Ouattara Pinguessié, régisseur de la prison de Saliakro.  

Lég 3 : Les détenus sont visiblement contents d’avoir rempli leur journée de labeur.

Photo : Ouattara Moussa



























                

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